Exploratrice du médium graphique et pictural mais aussi sculptural, Françoise Pétrovitch (née en 1964 à Chambéry) bénéficie d’une double actualité dans la petite ville belge de La Louvière.
Deux expositions, l’une au Centre de la gravure et de l’image imprimée, l’autre au Musée de la céramique Keramis, permettent de prendre la mesure de l’immense cohérence d’une œuvre que l’artiste tisse depuis trente ans. Les deux premiers étages du Centre de la gravure se trouvent métamorphosés en un labyrinthe mental et émotionnel, déroutant. Rythmé par une bande-son haletante tel un cœur qui s’emballe, la vidéo Loup et loup nous donne à voir l’histoire de deux adolescents où tendresse et cruauté se mêlent comme les deux versants indissociables d’une même pièce… En contrepoint, autour d’une inquiétante sculpture faite d’un corps d’enfant coiffé d’une tête de lapin, c’est un dessin brut, direct, monumental, dont le tracé ne trahit aucune hésitation, qui se déploie sur les murs. Des corps d’adolescents étendus, dont on ne sait pas très bien s’ils sont simplement au repos ou plongés dans un sommeil éternel, trahissent cette inquiétante étrangeté qui hante l’œuvre toute entière de Pétrovitch. À l’étage, un parcours libre à travers une succession de petites cellules intimistes, expose le travail gravé de l’artiste en dialogue avec des aquarelles, des peintures et des sculptures en bronze comme autant de secrets à percer. Ambivalente, l’œuvre de Pétrovitch n’est jamais anecdotique, mais empreinte de blessures et de secrets insondables qui en constituent l’épaisseur et la force et qui nous renvoient à nos pulsions et terreurs les plus archaïques. À quelques mètres du Centre, le Musée Keramis permet de découvrir trois nouvelles productions de l’artiste. Si la technique diffère, on retrouve les mêmes obsessions. Pétrovitch a atteint cette maturité qui permet au fond et à la forme d’être en osmose parfaite.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°714 du 1 juillet 2018, avec le titre suivant : Pétrovitch dans tous ses états