Dès sa publication en 1978, son premier livre Café Lehmitz s’est inscrit dans l’histoire de la photographie de la même manière que The Americans de Robert Frank édité vingt ans plus tôt.
Les photographies noir et blanc de l’élève de Christer Strömholm collaient au plus près des habitués de ce café de Hambourg et de ce qu’il partagea avec eux de 1966 à 1968. Frappantes de sincérité, d’acuité et de tension, elles ont marqué une génération de photographes, qui s’inscriront dans leur sillage. Près de quarante-six ans plus tard, ses dernières images à Rome, au noir et blanc densifiés, portent la même énergie, la même soif d’absolu dans son affrontement avec la réalité.
Anders Petersen photographie ce qu’il ressent, avec « ses tripes ». Portraits cadrés de près, bribe de peau de femme dénudée, assiette vide d’un repas consommé, chat de gouttière effarouché ou corps d’un jeune garçon étendu au bord d’un trottoir : la prise de vue est « instinctive, intuitive pas mentale », précise-t-il. Et la rétrospective, la première en France qui lui soit consacrée, une véritable onde d’énergie qui épouse dans une syntaxe parfaite, de Rome au Café Lehmitz, les battements de cœur d’un homme généreux, curieux des autres et de la rencontre. Conçu par Anne Biroleau en duo avec le photographe suédois, l’ordonnancement des séries – y compris celles relatives à trois lieux d’enfermement (asile, maison de retraite et prison) auquels Anders Petersen s’attacha un temps –, donne le tempo d’une vie liée « au besoin de revenir à des lieux, d’instaurer une relation », de s’immerger totalement.
Anders Petersen ne dissocie rien. Années, époques, espaces intérieurs/extérieurs et villes chez lui se fondent et se confondent dans une seule unité de temps et de lieu, celle du vécu à l’intensité incandescente. Rome peut être Paris ou Sète, Lehmitz, Soho, 2005 peut se superposer à l’année 1967, et Värmland à la région natale, la terre où il est revenu, un temps, signer l’un de ses plus beaux ouvrages après Café Lehmitz : les ressemblances sont frappantes. Elles sont des échos puissants d’instants de vie absolus, fugitifs par essence, vécus dans une rue, dans un bar la nuit ou dans le huis clos d’une pièce.
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Petersen, sur le fil du rasoir
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°664 du 1 janvier 2014, avec le titre suivant : Petersen, sur le fil du rasoir