Le Musée Jacquemart-André met à l’honneur l’unique figure féminine américaine du mouvement impressionniste, Mary Cassatt, qui souhaitait peindre de manière « féminine ».
« Il ne fait aucun doute que les hommes sont peints dans toute leur vigueur sur les murs des autres pavillons ; à nous la douceur de l’enfance, le charme de la féminité. Si je n’ai pas transmis un peu de ce charme, en un mot si je n’ai pas été absolument féminine, alors j’ai échoué », répond Mary Cassatt (1844-1926), interrogée en 1892 sur la faible présence d’hommes dans son œuvre. Au regard de ses nombreux portraits de femmes réalisés à l’huile, au pastel et à l’estampe, l’Américaine semble avoir atteint son objectif. Installée dans un fauteuil avec une tasse de thé, faisant sa toilette à demi dénudée, nourrissant des oiseaux sur une barque, cueillant des fruits dans un jardin en fleurs… Mary Cassatt a développé une série d’images de la femme bourgeoise de la fin du XIXe siècle.
Tout comme les artistes du groupe impressionniste parisien qu’elle rejoint en 1877, Claude Monet, Auguste Renoir ou Edgard Degas, l’artiste peint la vie quotidienne. Adoptant une touche vibrante, enlevée, ses peintures offrent au regard des moments de vie, intimes ou publics, aux atmosphères douces et harmonieuses. Dans son tableau L’Été (1894-1895), les deux figures féminines semblent flotter sur l’eau tant les couleurs de la barque s’entremêlent avec celles des reflets du bassin.
Maternité
Dans les années 1880, Mary Cassatt se passionne pour le thème de la mère à l’enfant. L’exposition du Musée Jacquemart-André lui consacre d’ailleurs une partie de son parcours chronologique. Ce travail, qui lui permet d’étudier en profondeur l’essence de la maternité et de l’enfance, a rapidement assuré sa notoriété auprès du public du Salon et marque un tournant dans sa carrière. Reprenant une iconographie traditionnelle qu’elle modernise, l’artiste prouve son talent pour peindre l’humain : les tons rosés de la peau, le mouvement des cheveux et des vêtements, la tendresse de deux corps l’un contre l’autre. Bien que cette spécialiste de la « Madone moderne » n’ait jamais eu d’enfants, ce thème fait écho à sa propre vie puisqu’elle a joué le rôle de mentor pour de jeunes artistes, surtout américains, en présentant leur travail à des collectionneurs.
Pour elle, ce « maternage » est une pratique spécifiquement féminine, et elle se plaît à lui donner forme dans son art. Mais la femme peinte par Cassatt paraît souvent cantonnée à l’espace où elle se trouve : étroitement encadrée par l’armature d’un fauteuil (Femme assise avec un enfant dans les bras), encerclée par le balcon d’une loge de théâtre (Dans la loge), attachée par le bras de son enfant (Mère et enfant, [Le miroir ovale]). Tout semble l’aliéner.
Bien que, pour Cassatt, faire une peinture féminine était un progrès pour la cause des femmes, on ne pourrait voir dans les sujets de ses tableaux un aspect féministe, mais plutôt dans son parcours audacieux. S’installer à Paris, se mesurer aux artistes les plus éminents, s’émanciper de son enseignement classique pour devenir impressionniste et s’exposer aux critiques : cette peintre autodidacte n’a pas choisi la voie la plus facile. Pourtant, cet esprit combatif lui a permis, à la manière d’autres femmes artistes du XIXe siècle comme Suzanne Valadon, Berthe Morisot ou Camille Claudel, de se frayer un chemin sur une scène artistique essentiellement masculine.
1844 Naissance à Allegheny City, États-Unis
1860-1865 Formation à l’Académie des beaux-arts de Pennsylvanie à Philadelphie
1877 Accepte l’invitation d’Edgar Degas à rejoindre le groupe des impressionnistes
1893 Exposition personnelle majeure organisée par Durand-Ruel à Paris
1926 Décès à Le Mesnil-Théribus
« Mary Cassatt. Une impressionniste américaine à Paris »,
du 9 mars au 23 juillet 2018. Musée Jacquemart-André, 158, boulevard Haussmann, Paris-8e. Tous les jours, de 10 h à 18 h, le lundi jusqu’à 20 h 30. Tarifs : 10,50 et 13,50 €. Commissaires : Nancy Mowll Mathews et Pierre Curie. www.musee-jacquemart-andre.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°710 du 1 mars 2018, avec le titre suivant : Mary Cassatt