PARIS
L’Union des artistes modernes, au début du XXe siècle, catalyse les énergies autour de l’idée d’un nouvel art de vivre et d’habiter.
Paris. La France a-t-elle apporté son écot au modernisme ? C’est, en filigrane, la question que pose cette exposition intitulée « UAM. Une aventure moderne », déployée au Centre Pompidou, à Paris, à laquelle elle s’empresse de répondre par l’affirmative au travers d’une multitude de pièces, dont nombre sont fascinantes. Bien moins connue que l’école allemande du Bauhaus ou le groupe néerlandais De Stijl, l’association française Union des artistes modernes (UAM) a pourtant fédéré une multitude de créateurs toutes disciplines confondues – architecture, décoration, graphisme, photographie, reliure d’art, bijouterie, peinture, sculpture…
L’aventure commence officiellement en 1929, même si d’aucuns ont œuvré de concert dès le début des années 1920, pour s’achever 1958, avec un objectif précis : proposer un nouvel art de vivre, vent debout contre les conservatismes ambiants, et en permettre l’accès au plus grand nombre. L’exposition débute bien avant 1929, au tournant du siècle ; pourraient en constituer les prémices le mouvement Arts & Crafts anglais ou l’Art nouveau belge, dont ce mobilier signé Henry Van de Velde, futur directeur de la première école du Bauhaus à Weimar. En France aussi, des architectes et des décorateurs commencent à se réunir avec en ligne de mire ce même idéal : la conception d’un nouvel habitat. Dès 1912 d’ailleurs, un certain Charles Édouard Jeanneret, maître d’œuvre helvète qui n’est pas encore Le Corbusier, reconnaît l’expression de la modernité à travers les meubles d’André Groult qu’il achète pour la maison de ses parents alors en construction à La Chaux-de-Fonds, en Suisse. De son côté, Francis Jourdain, dont on peut voir ici un étonnant cabinet de travail d’un bleu soutenu où tous les éléments, reliés entre eux, concourent à une unité murale, propose, lui, des « meubles interchangeables ». La scénographie met souvent le mobilier en regard d’œuvres d’art – peinture, sculpture – de la même période, façon period room, ce qui donne une agréable consistance au propos.
À côté d’une multitude de vedettes : Pierre Chareau, Sonia Delaunay, René Herbst, Charlotte Perriand, André Lurçat, Jean Prouvé, Raymond Templier…, le visiteur découvre ou redécouvre avec joie des créateurs moins connus. Ainsi en est-il de Jean Burkhalter, dont on peut admirer une chaise ou un « porte-plantes », ou Jacques Le Chevallier avec quelques luminaires, telle la lampe de bureau Chistera. Au fur et à mesure du parcours, le credo se fait plus limpide : il s’agit de redéfinir les formes et les matériaux dans un esprit de fonctionnalisme et d’économie de moyens.
Outre le graphisme (Paul Colin, Jean Carlu), la photographie (Emmanuel Sougez) ou la reliure d’art (Rose Adler, Pierre Legrain), il est un médium qui permet de générer une sorte de « modernité rêvée » : le cinéma. Ainsi, lorsque l’architecte Robert Mallet-Stevens, future figure phare de l’UAM, se voit confier la réalisation des décors extérieurs du film L’Inhumaine (1924) de Marcel L’Herbier, il réunit pour l’occasion nombre d’artistes de premier plan, tels le peintre Fernand Léger, le sculpteur Joseph Csaky, les créateurs de mobilier Pierre Chareau ou Francis Jourdain, le tapissier Jean Lurçat, les bijoutiers Raymond Templier ou Jean Puiforcat, etc., tous membres à venir de l’UAM. Architecture, mobilier et objets divers contribuent alors par leurs effets plastiques à faire du long-métrage « la vitrine d’une vie moderne intense », dixit le cartel.
jusqu'au 27 août, Centre Pompidou, place Georges-Pompidou, 75004 Paris.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°505 du 6 juillet 2018, avec le titre suivant : L’UAM, Une aventure moderne à la française