Le Mac/Val propose la première exposition monographique muséale de l’artiste transdisciplinaire franco-palestinien, soit un récit de soi et des proches qui s’écrit par bribes. Des fragments qui disent aussi une histoire et une géographie.
Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne).« Mon œuvre est plus biographique que politique », nous confiait en janvier 2020 Taysir Batniji (né en 1966 à Gaza) à la veille de l’inauguration de son exposition à la galerie parisienne Éric Dupont. Un peu plus d’un an plus tard, c’est, de fait, un récit autobiographique que signe au Mac/Val l’artiste franco-palestinien, sous le commissariat de Frank Lamy (responsable des expositions temporaires) et Julien Blanpied (chargé de production) ; une autobiographie qui se révèle percutante et fine dans le dialogue entretenu entre pièces anciennes et récentes.
Car il ne s’agit pas pour Taysir Batniji de raconter sa vie ni de dérouler son œuvre de manière chronologique, mais, à partir de pièces datées des années 1990 à aujourd’hui, de créer une chambre d’écho aux réflexions et motifs récurrents dans son travail, liés à son existence passée pour moitié en Palestine et pour moitié en France.
Le vaste espace sans cloison dévolu aux expositions temporaires du Mac/Val constitue à cet égard une formidable caisse de résonance de ses allers-retours réguliers entre les deux pays que l’on retrouve dans ses différentes séries sur l’identité, la trace et la disparition, la présence et l’absence, la frontière et le seuil, le déplacement : un entre-deux aussi bien temporel que culturel ou géographique. Le titre choisi pour l’exposition, « Quelques bribes arrachées au vide qui se creuse », repris de la définition de l’acte d’écrire donnée par Georges Perec dans Espèces d’espaces (Galilée, 1974) sonne juste pour définir, chez Taysir Batniji, ses dessins, photographies, peintures, films, sculptures ou installations. « Écrire […] : laisser, quelque part, un sillon, une trace, une marque ou quelques signes », dit encore Perec. Dès l’entrée du musée, un mur couvert de photographies de son quotidien, de sa famille, de son appartement et atelier parisiens énonce les visages, traces et jalons de ce « Chez soi, ailleurs », pour reprendre le titre de cette série commencée en 2000, fragments de vies chargés de son passé à Gaza et du conflit israélo-palestinien, d’itinérances, de paraboles ou de trousseaux de clefs conservés. On les retrouvera développés autrement dans l’exposition, à travers le visage de son frère tué le neuvième jour de la première intifada ou celui de sa mère, décédée en 2017, sans qu’il ait pu la revoir.
Présentée également en préambule, Voyage impossible, performance filmée dans laquelle l’artiste déplace un tas de sable d’un côté à l’autre d’une ligne invisible jusqu’à épuisement, est aussi une transposition de son histoire. Le parcours est ponctué de pièces anciennes et représentatives de son travail et d’autres plus récentes comme Pas perdus (empreintes de pas des passants) ou ID Project, récit de sa demande de naturalisation dans laquelle s’entend la non-reconnaissance de l’État de Palestine comme pays.
L’écriture visuelle de Taysir Batniji possède une puissance d’évocation qui ne faiblit à aucun moment dans l’exposition du Mac/Val. Le caractère intime et la dimension politique ne font qu’un dans cette œuvre où transparaissent de subtiles influences artistiques, de Supports-Surfaces ou de l’art minimal notamment.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’intime et le politique par Taysir Batniji
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°563 du 19 mars 2021, avec le titre suivant : L’intime et le politique par Taysir Batniji