Photographie - Depuis près de trente ans, Thomas Demand reconstitue, en carton, papier et film transparent, un lieu, un événement ou un fait et geste lié au quotidien, qu’il photographie ensuite, sans jamais y introduire d’humains.
À la source de cette recréation, une image en général tirée de la presse. Le résultat du processus est une photographie qui, au-delà de son format monumental, provoque irrémédiablement le trouble, voire le malaise chez le regardeur, par les questionnements et associations qu’elle génère. La réception, la consommation et la circulation des images sont au cœur de l’œuvre de Thomas Demand et de ses réflexions. Les rétrospectives qui lui ont été consacrées le rappellent invariablement. Celle proposée par Douglas Fogle au Jeu de paume se différencie par l’analyse menée sur la place tenue par l’histoire et l’actualité. « Le bégaiement de l’histoire est le territoire que Thomas Demand a passé la majeure partie des trois dernières décennies à explorer, à traverser et à creuser », souligne le conservateur indépendant et écrivain américain avec, à l’appui de son propos, les pièces maîtresses en la matière réalisées depuis le début. Salle ravagée se référant l’attentat raté des officiers de la Wehrmacht contre Hitler (Room, 1994) ou bureau de recomptage manuel des voix de l’élection présidentielle américaine de 2000 dans l’État de Floride (Poll, 2001) : chaque photographie obéit à des visées distinctes que Douglas Fogle décrypte et met en résonance avec d’autres photographies, tirées soit d’images de l’histoire de l’art, tel Atelier (2014), reconfiguration de l’atelier de Matisse, soit d’images de Demand, réalisées à l’Iphone, de ce qui retient son regard dans son quotidien.
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L’inquiétante étrangeté du monde
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°762 du 1 mars 2023, avec le titre suivant : L’inquiétante étrangeté du monde