BRUXELLES / BELGIQUE
Léon Spilliaert est mort il y a soixante ans. Les Musées royaux des beaux-arts de Belgique organisent une exposition rétrospective de son œuvre fascinante, étrange et inclassable.
Dans ses autoportraits, cet artiste flamand né en 1881 prend un air halluciné. Lorsqu’il représente une digue ou une plage, il en découle un vide vertigineux et, s’il dépeint un intérieur bourgeois, celui-ci ressemble à un espace vide ou hanté. Spilliaert fait surgir en plein jour le souvenir des rêves. Une impression accentuée par la technique qu’il emploie.
Il déteste la peinture à l’huile, qu’il juge poisseuse, incapable de légèreté et de transparence. Il préfère superposer de très fines couches d’encres ou d’aquarelles qui lui permettent de tisser de sobres gammes de gris, noirs, verts ou bleus. Pour ses autoportraits, il use aussi d’une grande économie de moyens et se fait pratiquement « disparaître » sous l’encre de Chine. Réduite à quelques couleurs, sa palette tend parfois vers l’abstraction.
Né à Ostende, comme Ensor (1860-1949) et Constant Permeke, il décline des marines tout au long de sa carrière : plages, cabines de bain, digues, escaliers et sillons laissés par les navires. Insomniaque, il arpente aussi beaucoup sa ville de nuit et en retient les éclairages blafards et artificiels. Il figure des places et des arcades vides. De la femme, il donne une image à la fois secrète, tentatrice et inaccessible, fortement teintée de symbolisme.
Léon Spilliaert est un grand lecteur des poètes contemporains belges comme Verhaeren ou Maeterlinck, dont il s’imprègne du climat onirique. Ses créatures sont souvent dépeintes seules dans des paysages hostiles et déserts, accentués par une mise en scène dramatique.
Un de ses plus fameux lavis, Vertige, est un escalier transformé en une tour démesurée sur laquelle une silhouette de femme se contorsionne, évoquant Le Cri de Munch. Finalement, quel que soit le sujet choisi, personnages et paysages incarnent l’isolement profond et la solitude étouffante vécus par l’artiste durant sa jeunesse. Spilliaert stigmatise l’absence.
S’il demeure un artiste aussi important, c’est qu’il a poursuivi l’œuvre d’artistes symbolistes comme Khnopff ou Degouve de Nuncques, tout en précédant de quelques années les vues de De Chirico. Léon Spilliaert, précurseur du surréalisme ?
« Léon Spilliaert 1900-1910 », Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, 9, rue du Musée, 1000 Bruxelles, Belgique, tél. 32 2 508 34 08, jusqu’au 3 février 2007, www.fine-arts-museum.be
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L’inquiétante étrangeté de Spilliaert
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°584 du 1 octobre 2006, avec le titre suivant : L’inquiétante étrangeté de Spilliaert