Histoire

XVIIE-XVIIIE SIÈCLES

L’étiquette à la cour de Versailles

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 7 février 2018 - 801 mots

VERSAILLES

Le château-musée raconte toute la grandiloquence, mais aussi la minutie de l’étiquette à la cour des Bourbons. En particulier lors de la visite des ambassadeurs étrangers.

Versailles. Bruits de roues de ­carrosses sur le pavé, hennissements de chevaux, rumeur d’une foule nombreuse, et, près du lion, les trompettes de la garde : les sons qui accompagnent le visiteur dans ­l’escalier du château, fruit du travail d’un archéologue, propulse d’emblée dans l’atmosphère bruyante et chamarrée de Versailles sous les ­Bourbons. La nouvelle exposition du château, « Visiteurs de Versailles, Voyageurs, Princes, Ambassadeurs 1682-1789 » vient clôturer tout un cycle consacré aux Bourbons à l’initiative de Béatrix Saule entre tables royales, mort du roi et fêtes et divertissements.

« C’était au départ un projet de livre avec Daniëlle Kisluk-Grosheide, conservatrice au Metropolitan de New York », explique Bertrand Rondot, conservateur en chef du patrimoine à Versailles. Finalement, le sujet donnera lieu à une exposition en coproduction avec l’institution américaine, avec 300 objets exposés et les prêts de 52 institutions publiques et privées.

1682 : Louis XIV transfère la cour à Versailles et ouvre le château aux visiteurs. 6 octobre 1789 : Louis XVI et Marie-Antoinette sont extirpés du château par une foule en colère et transférés aux Tuileries à Paris. Entre-temps, trois règnes successifs, mais toujours le même impératif affirmé par le Roi-Soleil sur une médaille frappée en 1683 : « Le Palais du Roy ouvert aux plaisirs de ses Sujets ». « L’ouverture de Versailles fait partie du pacte monarchique », rappelle Bertrand Rondot qui a travaillé sur les modalités de cette ouverture et sur les profils très variés des visiteurs, surpris, au fur et à mesure de ses recherches, du degré très fort de cette ouverture jusque dans les appartements privés : « C’est un palais ouvert à tous, à l’opposé des résidences officielles contemporaines. »

Dès 1670, des guides sont publiés et diffusés dans l’Europe entière, et un service de transport est mis en place entre Paris et Versailles : pour voir le roi, il faut débourser 40 sols en carrosse, 20 sols en carriole. La première partie de l’exposition envisage les aspects très concrets de la visite à Versailles. Comment s’habillait-on, quels espaces étaient ouverts, où et quand pouvait-on apercevoir le roi ? Avec sérieux et quelques accents de légèreté, les commissaires font entrer les visiteurs dans le vestiaire de Versailles : habits sobres ou de pacotille, soieries les plus fines ou simple cotonnade, et même des sabots de fermière selon un voyageur anglais. Les usages varient selon que le roi est présent ou non, et si l’on veut assister à des cérémonies publiques, intégrer la cour, être vu et considéré, en habit à la française ou en tenue de chasse anglaise. De magnifiques prêts du Palais Galliera, du Victoria & Albert Museum et du Musée des arts décoratifs illustrent ces nuances et le chapitre consacré aux usages vestimentaires dans le catalogue est passionnant. Sont passées en revue les cérémonies publiques qui rythment l’organisation versaillaise. « Ce n’est pas évident : les cérémonies quotidiennes comme le grand couvert ou la remise des placets sont extrêmement peu représentées », explique Bertrand Rondot.

Un palais cosmopolite et accessible

La deuxième partie de l’exposition est consacrée aux visiteurs diplomatiques et princiers. Ambassadeurs en poste ou extraordinaires répondent à un cérémonial précis, obligatoire dans la hiérarchie des nations. La présentation, la remise de cadeaux diplomatiques, les festivités et les réceptions sont élaborées avec soin pour faire savoir au monde l’importance de la France dans le grand concert des nations. Dans une salle consacrée à l’Ambassade du Siam en France en 1686, un canon offert par l’ambassadeur siamois, récemment redécouvert en Angleterre, a participé à l’attaque de la Bastille, avant d’être récupéré par les Anglais en 1815. Si l’ambassade de Siam est un succès, celles de Moscovie et de Perse se déroulent avec moins de bonheur.

Le parcours devient passionnant lorsqu’il permet l’incarnation des visiteurs. Ainsi de Mehmet Effendi et, plus tard, de son fils Saïd, ambassadeurs ottomans, dont les portraits permettent de narrer leurs voyages français. Ou de ce petit prince de Cochinchine, âgé de six ans, envoyé plaider la cause de son père détrôné auprès du roi en 1787.

Américains et britanniques ne sont pas en reste. Si Benjamin Franklin, dans un puissant portrait prêté par le Metropolitan museum of Arts de New York, vient argumenter au proft de sa jeune démocratie, un aristocrate anglais tel Lord Brudenell fait simplement étape lors de son Grand Tour, tandis que la galloise Mrs Thrale évoque avec envie le raffinement de l’appartement privé de Marie-Antoinette. Portraits et récits épistolaires s’entremêlent pour donner vie à ces visiteurs célèbres et moins connus.

Le récit s’arrête brutalement, avec un brin de théâtralité assumée, sur les premiers jours d’octobre 1789. Des cimaises noires et quelques gravures évoquent la fin du règne des Bourbons à Versailles. La demeure royale va devenir musée.

INFORMATIONS

Visiteurs de Versailles, voyageurs, Princes, Ambassadeurs 1682-1789,

jusqu’au 25 février, château de Versailles, Place d’Armes, 78000 Versailles.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°494 du 2 février 2018, avec le titre suivant : L’étiquette à la cour de Versailles

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