En 1998, le critique d’art Juan Vicente Aliaga organisait à l’Ivam, à Valence (Espagne), une exposition monographique consacrée à Pierre Molinier qui, par le biais du photomontage et de la photographie, dévoilait sa fascination pour l’ambiguïté sexuelle et les fétiches, le tout dans un style décharné et dépouillé. Le même commissaire propose aujourd’hui la première exposition en Espagne de Claude Cahun (1894-1954), une artiste que l’on ne cesse de redécouvrir.
VALENCE (de notre correspondante) - Claude Cahun a surtout été connue par ses contemporains pour son œuvre littéraire et son activité dans les cénacles intellectuels, en particulier au sein du groupe surréaliste de Paris. Dans son œuvre photographique, elle a abordé le thème de la construction de la personnalité et de l’identité sexuelle en partant du masque et du travestissement. Pourtant, l’artiste a dû affronter les résistances de son époque, en tant que femme, lesbienne et juive. Il est peu de dire que les femmes ont occupé une position secondaire dans le mouvement surréaliste, reléguées au statut de muses des artistes. Son œuvre photographique, peu défendue de son vivant, est ainsi restée pendant longtemps dans l’ombre. Elle ne fut exposée que très partiellement lors de l’Exposition internationale du mouvement surréaliste à Londres. L’œuvre de Claude Cahun n’a été reconnue qu’à partir d’une exposition collective organisée en 1994 à Nantes (“Le rêve d’une ville, Nantes et le Surréalisme”), et de sa rétrospective du Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1995.
Les autoportraits présentés à Valence ont été réalisés dans les années 1920. Ces photographies jouent sur une nouvelle image de la femme grâce à une certaine ambiguïté sexuelle. À la même époque, cette question était également abordée par des peintres comme Romaine Brooks, tandis que d’autres la mettaient en pratique dans la vie quotidienne. Claude Cahun, en se travestissant en poupée, en vampire, en mannequin, en ange, en haltérophile, en marin ou en déesse irréelle, montre que la différence entre les sexes se résume souvent à des questions de vêtements, de maquillages ou d’attitudes : “Sous ce masque un autre masque. Je n’en finirai pas de soulever tous ces visages”, écrit-elle dans Aveux non avenus. Ce masque, sous lequel il n’y a rien à cacher, met en évidence la question de la construction de l’identité sexuelle et des conventions sociales, dans un travail de loin plus radical que l’alter ego féminin de Marcel Duchamp : Rrose Sélavy, en 1920. L’œuvre de Claude Cahun anticipait même les démarches d’un Pierre Moliner, voire celles de Michel Journiac, de Janine Antoni, de Catherine Opie et de Cindy Sherman.
- Claude CAHUN, jusqu’au 20 janvier, Ivam, Guillem de Castro 118, Valence, tél. 34 96 386 30 00, tlj sauf lundi 10h-14h15 et 16h-17h30 ; catalogue, 172 p.
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Les multiples visages de Cahun
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°136 du 9 novembre 2001, avec le titre suivant : Les multiples visages de Cahun