Art moderne

Jeu de paume

Claude Cahun, l’il en elle

Du 24 mai au 25 septembre 2011

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 18 mai 2011 - 363 mots

Avoir été, dans la première moitié du XXe siècle, une femme doublée d’une photographe, cela n’a-t-il pas eu valeur de double peine ? On peut se poser la question tant la femme et la photographie ont été, à cette époque, deux « genres » abandonnés dans les marges de la création…

C’est navrant, car il faut aujourd’hui réhabiliter des artistes aussi originales et essentielles que : Gerda Taro, Hannah Höch, Gertrud Arndt, Tina Modotti, Dora Maar ou Lee Miller. Les unes furent éclipsées par un excès de testostérone environnant (Dora Maar par Picasso, Lee Miller par Man Ray) ; les autres doivent leur oubli à une république qui, en France, a fondé ses valeurs sur l’universalité, écartant au passage tout communautarisme et toute tentation de genre, fut-elle liée au sexe.

Navrant certes, mais peut-être salutaire. Osons la provocation : ne peut-on pas se demander en voyant la sincérité des œuvres accouchées si ce rejet n’a pas été source d’une étonnante liberté créatrice ?

Faites ce que vous voulez mesdames, mais ne le faites pas au grand jour. Ce qu’a fait Lucy Schwob, alias Claude Cahun (1894-1954), une femme et photographe triplement ostracisée en raison de son homosexualité et qui dut se retirer sur l’île de Jersey pour vivre libre en compagnie de sa compagne – et demi-sœur – Suzanne Malherbe, alias Marcel Moore. Une île où elle s’est fabriquée en se fabriquant un « il » ambigu : là est le Claude. Une île pour créer. Un il pour exister.

Car Claude Cahun se déguise en Pierrot, enfile une veste, se rase les cheveux, soulève des haltères ; ses lèvres sont pincées, son regard est autoritaire, sa féminité androgyne. Elle meurt en 1954, léguant un héritage inestimable aux Louise Bourgeois, Cindy Sherman et Marina Abramovic qui la suivent. Car son travail relève autant de la photo que de la performance. Comment expliquer alors qu’il fallut attendre les années 1990 pour le redécouvrir ? Et attendre 2011 pour en percevoir toute l’étendue ? Les réponses sont dans l’exposition du Jeu de paume.

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« Claude Cahun »
Jeu de paume, 1 place de la Concorde, Paris-8e, www.jeudepaume.org, du 24 mai au 25 septembre 2011.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°636 du 1 juin 2011, avec le titre suivant : Claude Cahun, l’il en elle

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