Petit pays par la taille, la Suisse concentre pourtant un nombre exceptionnel de collections d’art moderne et contemporain, publiques et privées. En peu de kilomètres, d’une ville et d’un canton à l’autre, une concurrence effrénée stimule les musées afin de proposer les plus beaux ensembles. De Bâle à Zurich et de Winterthur à Genève, petit tour d’horizon.
À Zurich s’est ouvert récemment un haut lieu de l’art contemporain, à côté du monument que constitue la Kunsthaus : inauguré en mai 1996, le Musée d’art contemporain est financé par le pourcentage culturel de la chaîne de magasins Migros qui, depuis une vingtaine d’année, a constitué une collection d’art contemporain autour d’artistes tels que Gerhard Richter, Jannis Kounellis, Dan Flavin, Fischli/Weiss ou Bruce Nauman. Sur un budget annuel de 1,2 million de francs suisses (4,8 millions de francs français), le musée en réserve 250 000 (un million de francs) aux acquisitions.
Dans le même canton, la fréquentation du Kunstmuseum de Winterthur a plus que triplé en 1996 – pour atteindre 73 500 visiteurs –, après l’achèvement de l’extension réalisée par les architectes Gigon et Guyer. Le musée dispose d’un budget annuel d’acquisition confortable : 275 000 francs suisses (1,1 million de francs), auxquels s’ajoutent 70 000 francs suisses apportés par la Société des Amis du musée et 500 000 francs suisses provenant de la Loterie du canton de Zurich. La plus importante collection d’œuvres sur papier de Gerhard Richter y est conservée, complétée cette année par l’achat d’une toile importante de l’artiste. Non loin des chutes du Rhin, à Schaffhouse, les Hallen für Neue Kunst accueillent chaque année 8 000 visiteurs, attirés par des pièces de Joseph Beuys, Carl Andre, Mario Merz, Bruce Nauman...
Le budget annuel de fonctionnement de cette collection privée – qui ne s’est plus enrichie depuis quelques années – s’élève à 350 000 francs suisses (1,4 million de francs). Pour une ville d’environ 170 000 habitants, les deux musées de Bâle, Beaux-arts et Art contemporain, ont été fréquentés en 1996 par 188 000 visiteurs. Leur budget global approche les 50 millions de francs, et le Musée d’art contemporain bénéficie du dépôt d’un nombre important de pièces de Nauman, Beuys, Warhol issues de la Fondation Emanuel Hoffmann. Après le Musée Tinguely inauguré en 1995, un nouveau musée s’ouvre le 21 octobre : la Fondation Beyeler, à Riehen, dans la banlieue de Bâle. Cette collection, constituée depuis des décennies par le galeriste bâlois Ernst Beyeler et réunissant des œuvres de Cézanne à Rothko, sera abritée dans un bâtiment signé Renzo Piano.
Initiatives privées
Pour sa part, Jean Nouvel construit les nouveaux espaces du Musée des beaux-arts de Lucerne. En attendant la réouverture, en 1999, les collections sont aujourd’hui dans les réserves. Plus à l’ouest, le Kunstmuseum de Berne dispose d’environ 7 millions de francs suisses (35 millions de francs) par an, dont 200 000 environ pour les acquisitions. Ce musée des beaux-arts, fondé en 1879, ne s’est ouvert à l’art contemporain qu’en 1980, et depuis 1995, les acquisitions dans ce domaine se sont multipliées. La collection de la Fondation "Kunst Heute" (art d’aujourd’hui), qui comprend des œuvres de trente-sept artistes suisses contemporains, devrait prochainement être exposée en permanence à Berne. Créée en 1982, cette fondation dispose d’un budget annuel d’acquisition de 60 000 francs suisses (240 000 francs).
Les initiatives privées sont également importantes au Tessin. La Galleria Gottardo, à Lugano, est gérée par la Fondation de la Banque du Gothard. Le petit espace d’exposition de 240 m2 accueille aussi bien des expositions d’art contemporain que d’archéologie ou de photographie. La fondation dispose d’une belle collection d’art contemporain et de photographies suisses, même si un terme a été mis aux acquisitions après la publication, en 1992, de deux catalogues les réunissant. Dans la même région, le Museo d’Arte de Mendrisio réserve son budget d’acquisition, très modeste il est vrai – 5 000 francs suisses (20 000 francs) –, aux seuls artistes locaux, mais les expositions temporaires accueillent Sam Francis, Meret Oppenheim ou Ben Nicholson.
Après la fermeture du Musée d’art contemporain de Pully, la création actuelle se partage à Lausanne entre le Musée de photographie de l’Elysée et le Musée cantonal des beaux-arts. Financé par le canton à hauteur de 2 millions de francs suisses (8 millions de francs), ce dernier en consacre chaque année 300 000 à l’achat de pièces en liaison avec les expositions (Nauman, Raetz, Huber, Calle Viola, Manz...). Sur les hauteurs de la ville, la Fondation de l’Hermitage, ouverte en 1984, organise de grandes expositions d’art, essentiellement du début de l’époque moderne, qui drainent chaque année plus de 100 000 visiteurs. Elle conduit également une politique d’acquisition axée principalement sur la peinture d’artistes tels que Vallotton, Bocion ou Bosshard.
Plus loin sur les bords du lac Léman, le Musée d’art et d’histoire de Genève dispose d’un budget de 13,5 millions de francs suisse (54 millions de francs) pour l’art dans son ensemble, des antiquités aux arts décoratifs. En matière d’art contemporain, même si les acquisitions sont décidées au cas par cas et sans budget prédéterminé, elles sont plutôt orientées vers le mouvement des Nouveaux réalistes et les artistes suisses. Ouvert en 1995, le Musée d’art moderne et contemporain (Mamco) de Genève est un lieu original. La grande majorité des pièces qui y sont exposées sont des dépôts de collectionneurs et d’artistes. Entièrement modulable, il peut à chaque instant se mettre à la page, à l’image de son catalogue de type Filofax.
Le budget annuel de 2 millions de francs est financé en grande partie par la Fondation Mamco, fondation de droit privé, tandis que la Fondation pour l’art moderne et contemporain (Ville de Genève) accorde une subvention de 80 000 francs suisses (320 000 francs) pour l’entretien et l’aménagement des locaux. Son fonds d’acquisition a cependant diminué d’un tiers cette année, passant de 150 000 à 100 000 francs suisses.
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Les hauts lieux de l’art vivant
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°44 du 26 septembre 1997, avec le titre suivant : Les hauts lieux de l’art vivant