VERSAILLES
Avec cette première grande exposition sur le sujet organisée à Versailles, les commissaires redonnent vie aux animaux qui peuplaient jadis le château.
Versailles. « Il faut imaginer qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles il y avait des animaux absolument partout, dans les jardins mais aussi dans les appartements, où les petits princes avaient leurs animaux préférés », explique le co-commissaire de l’exposition, Nicolas Milovanovic, conservateur en chef au Musée du Louvre.
Le sujet auquel s’attaquent les deux commissaires de l’exposition, Alexandre Maral, conservateur général au château de Versailles, et Nicolas Milovanovic, est vaste. Très vaste car il se ramifie à foison tandis que l’ambition des deux hommes est de faire le point le plus complet sur le sujet à l’occasion de la première exposition qui lui est consacrée.
Plus de 300 œuvres – peintures, esquisses, dessins, tapisseries, objets d’art… – illustrent ainsi au fil de salles thématiques les différents aspects de la question, avec comme élément-clé l’évocation de deux lieux mythiques aujourd’hui disparus : la Ménagerie et le bosquet du Labyrinthe, l’un des « plus fantastiques du jardin », glisse Alexandre Maral. Aménagé sous Louis XIV et détruit sous Louis XVI, ce bosquet aura existé un siècle. C’est par l’évocation de ce dernier que le parcours débute, dans une scénographie spectaculaire toute en treillis accueillant une vingtaine de pièces de plomb qui illustraient les Fables d’Esope. Des quelque 330 animaux de plomb au total à l’époque, il n’en reste que 35. C’est donc « la première fois depuis la fin XVIIIe siècle qu’autant d’animaux de plomb sont rassemblés », observe Alexandre Maral. Les salles suivantes présentent tour à tour l’animal de compagnie (avec quelques fétiches, comme « le Général », le chat de Louis XV), la bête de ferme, l’animal symbole ou celui qui est objet de science et de dissection, le gibier ou l’aide de chasse, ou encore l’animal motif d’exotisme.
Autre temps fort, la reconstitution de la Ménagerie royale. Cet espace-clé du jardin du roi, édifié par Louis XIV, accueillait les animaux et plus particulièrement les oiseaux rares. Le salon octogonal a été reproduit, et les œuvres qui le décoraient accrochées dans la mesure du possible à leur emplacement d’origine. En fin de parcours est abordée la théorie cartésienne de l’« animal-machine », déniant à l’animal toute forme d’intelligence ou de sensibilité. « C’est cette vision qui est alors dominante dans les milieux savants des XVIIe et XVIIIe siècles, explique Nicolas Milovanovic. C’est une des thèses de l’exposition : montrer que Versailles est dans l’opposition à ce courant de pensée, et sera même précurseur de certains mouvements tels que l’éthologie », l’étude du comportement animal. La preuve se trouverait dans ces portraits d’animaux dont les yeux semblent exprimer des sentiments.
La médiation écrite est un peu légère, et trop peu de textes de cartels sont développés. L’exposition n’en reste pas moins un plaisir pour les yeux, par la beauté et la fraîcheur des œuvres d’Oudry, de Desportes, Le Brun, Boucher, et pour le magistral groupe des Chevaux du Soleil des frères Marsy, qui, pour l’occasion, revient tout près de son emplacement d’origine.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°577 du 12 novembre 2021, avec le titre suivant : Les animaux du roi retrouvent le chemin de Versailles