Léon, l’autre Monet

On le sait, l’histoire est rarement clémente avec les femmes et fils de. Mais elle ne l’est pas davantage avec les fratries. C’est l’un des enseignements de cette exposition originale qui exhume une personnalité haute en couleur. Contrairement à la crainte que pourrait susciter le « pitch » d’un tel projet, il n’est en effet nullement question de name dropping surfant abusivement sur l’engouement pour ce mouvement extrêmement populaire, mais bien de proposer un récit alternatif convoquant un protagoniste dont l’action a été aussi discrète que décisive. De fait, le succès des mouvements artistiques réside autant dans la maestria et l’audace des artistes que dans le dévouement et l’opiniâtreté de leurs soutiens intimes comme marchands. Léon a été un peu tout cela à la fois. Pour son cadet, évidemment, mais aussi pour nombre de membres du groupe, dont il a été l’un des tout premiers collectionneurs, comme le racontent les toiles de Pissarro, Sisley et Renoir présentées au côté des peintures de Claude. Mais la contribution de Léon ne s’arrête pas là : on peut même voir en lui le tout premier mécène du groupe, puisqu’il a tiré profit de sa position de capitaine d’industrie pour mettre sur pied la Société industrielle de Rouen, en 1872. Cette dernière apporta un soutien indéfectible au groupe des Batignolles, mais aussi, une fois que leur carrière sera assurée, aux artistes de la génération suivante, comme Marcel Delaunay. Outre cette histoire passionnante sur les réseaux artistiques, cette incursion dans les coulisses de l’impressionnisme est surtout l’opportunité de dévoiler des œuvres pour l’écrasante majorité encore en mains privées et, pour nombre d’entre elles, inédites. Des tableaux qui montrent que Léon avait un grand cœur, mais aussi un œil aguerri. Et un tropisme pour la couleur. Quoi de plus naturel pour cet amateur, qui était également un grand chimiste des couleurs !