XIXE-XXE SIÈCLES

Le trésor des Brown-Sulzer

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 2 octobre 2024 - 506 mots

La Fondation de l’Hermitage expose les œuvres majeures du XIXe siècle de la Fondation allemande Langmatt.

Lausanne (Suisse). En novembre 2023, la Fondation Langmatt de Baden, vendait trois tableaux de Paul Cézanne, dont Fruits et pot de gingembre (entre 1890 et 1893). Cette nature morte avait été acquise quatre-vingt-dix ans avant, à quelques jours près, par le couple Brown-Sulzer dont la collection est à l’origine du musée. En butte à la réprobation et notamment à celle de l’ICOM (Conseil international des musées), le directeur, Markus Stegmann, plaidait pour la recapitalisation de sa fondation, nécessaire en vue de travaux indispensables qui devaient être réalisés.

Ceux-ci ont commencé et la collection Langmatt a entamé un voyage dont la première étape est la Fondation de l’Hermitage qui fête ses quarante ans avec cette importante exposition. Elle présente une soixantaine d’œuvres datant essentiellement des années 1820, pour les huiles sur papier de Camille Corot, à 1917 ou 1918 pour La Lecture d’Auguste Renoir. Vingt-deux tableaux montrent l’évolution de la carrière de ce peintre, depuis La Loge (vers 1873-1874), qui est peut-être une étude préparatoire pour La Loge de l’Institut Courtauld, jusqu’au Nu de dos, assis (vers 1915) représentatif de la période nacrée. La très poétique scène de canotage de la période impressionniste, La Barque (vers 1878), a été acquise en septembre 1917 et La Natte (vers 1886-1887), documentant la période ingresque, est entrée dans la collection en décembre de la même année. Il s’agit, selon Markus Stegmann, de l’œuvre la plus appréciée du public, la « joconde » de la collection Langmatt.

C’est à Paris pendant leur voyage de noces, en 1896, que Sidney Brown (1865-1941) et Jenny Sulzer (1871-1968) ont acquis leurs deux premiers tableaux dont Laveuses au bord de la Touques (1895) d’Eugène Boudin qui constitue un choix audacieux pour un jeune ménage issu de la riche bourgeoisie conservatrice de Winterthur : il montre des femmes du peuple au travail sur fond d’usine fumante. À partir de 1908, les Brown séjournèrent régulièrement à Paris où ils se firent d’importantes relations et investirent dans la peinture française. Plusieurs de leurs toiles de Camille Pissarro, dont La Cueillette des pois, Éragny (1893) provenaient de la collection de Georges Viau dont une vente a été réalisée le 4 mars 1907 et, en 1910, ils achetèrent Fruits et boîte à poudre (vers 1877-1880) de Paul Cézanne qui était passé par la même collection.

Un truchement important fut le peintre franco-suisse Carl Montag, installé à Paris et devenu conseiller de grands collectionneurs, galeries et musées suisses. En 1908, il présenta les Brown à Henri Matisse. Ils acquirent à cette occasion trois dessins, des Études de nus féminins (1908). C’est sans doute à leur amour pour Cézanne qu’ils devaient d’apprécier ces œuvres. Ils vendirent pourtant en 1919 deux Cézanne (ainsi que quatre Renoir, un Sisley et un Pissarro) pour s’offrir La Jeune Fille au chat (vers 1770) de Jean Honoré Fragonard, montrant un goût inattendu pour l’érotisme dont témoigne aussi le superbe pastel d’Edgar Degas, Nu féminin (vers 1885-1886, retravaillé ultérieurement), qu’ils avaient acheté en 1912.

Chefs-d’œuvre du musée Langmatt,
jusqu’au 3 novembre, Fondation de l’Hermitage, 2, route du Signal, Lausanne, Suisse.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°640 du 4 octobre 2024, avec le titre suivant : Le trésor des Brown-Sulzer

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