Après avoir parcouru le territoire du nord au sud et d’est en ouest, le photographe livre à la BnF François-Mitterrand un regard personnel sur la France d’aujourd’hui. Une vision qu’enrichissent deux expositions dans les galeries Magnum, à Paris.
Mercredi 7 juillet, à soixante-huit ans et tout juste un jour, Raymond Depardon attend confortablement calé dans son fauteuil du Lutetia. Le reporter et cinéaste est arrivé en avance au rendez-vous, attendant sagement de commander son café. Un court.
Les amabilités passées, l’interview démarre. Pas besoin de longs préambules, le photographe sait sa récitation sur le bout des doigts. Il faut dire que depuis son reportage sur la guerre d’Algérie en 1960 pour l’agence Dalmas, qu’il s’apprête à ressortir en poche, Depardon a engrangé du métier. Il a fondé Gamma en 1967 qui, sous sa houlette et celle de quelques autres, et grâce au talent de feu Gilles Caron, est rapidement devenue la plus importante agence photographique au monde, devant Magnum Photos dont il ira pourtant grossir les rangs en 1979, pour ne la quitter jamais.
Il a multiplié les reportages à l’étranger, au Tchad, en Tchécoslovaquie, au Liban, en Afghanistan, à Venise aussi, revenant toujours vers cette Amérique fondatrice de Walker Evans et de Paul Strand, jusqu’à se sentir parfois plus anglo-saxon que français. Sans doute Raymond Depardon garde-t-il toujours en bouche le goût des chewing-gums échangés contre des pommes aux G.I. venus sauver la France. « Sa » France…
Une partie de campagne
La France, justement, parlons-en. Le petit garçon qui a grandi dans la ferme du Garet – il y est né en 1942 –, près de Villefranche-sur-Saône, ne l’a jamais quittée. En tout cas, il y est toujours revenu. Il la connaît bien pour l’avoir visitée de long en large, appareil photo ou caméra à la main. Pas n’importe quelle France, mais la France « de » Depardon, celle des sous-préfectures et des villages, du littoral aussi, des ronds-points fleuris et des cafés. Celle « du Tour de France », reconnaît l’intéressé.
Les grandes villes ? Les banlieues ? Quel intérêt, elles se ressemblent toutes ! Et puis on n’y sent plus l’odeur des moissons sur le chemin de l’école. Dans la France « de » Depardon, au contraire d’une autre France, on aime respirer jusqu’à l’ennui, remplir sa grille tandis que le ballon de blanc patiente sur le zinc. On aime le charme désuet des épiceries et le kitsch des sandwicheries autant que les traces du passé sur le pignon aveugle d’une maison orpheline en bordure d’une nationale. « Je viens de la ruralité », martèle ce fils d’agriculteurs de peur, peut-être, qu’on finisse par ne plus l’entendre. Avec un peu de militantisme. À moins qu’il ne s’agisse d’une pointe de nostalgie.
Raymond Depardon est un bavard que toutes les anecdotes qu’il a rapportées de son voyage en France, depuis son départ en 2004 dans son fourgon « Trigano, tout équipé et aménagé », ont visiblement comblé. « Sa » France qu’il invite à regarder, à la Bibliothèque nationale de France ainsi que chez Magnum Photos, « avec réalisme, mais sans critique ». Une France qui fait parfois sourire, mais qui, selon Depardon, n’a pas dit son dernier mot. Une France qui paraît revivre d’une dimension dont on manque cruellement ailleurs : l’espace et la liberté.
Infos pratiques.
« La France de Depardon », jusqu’au 9 janvier 2011. BnF François-Mitterrand, Paris XIIIe. Du mardi au samedi de 10 h à 19 h, le dimanche de 13 h à 19 h. Fermé lundi et jours fériés. Tarifs : 5 et 7 euros. www.bnf.fr
« Errance, 1999-2000 et Territoires 2005-2010 », du 4 novembre au 8 janvier 2011. Magnum Gallery, Paris VIe. « Manhattan Out et Correspondance new-yorkaise de Raymond Depardon », jusqu’au 8 janvier. Magnum Gallery, Paris XVIIIe. www.magnumphotos.com
La France de Cuisset. Comme Depardon, Thibaut Cuisset a sillonné le territoire français. Lauréat du prix de la photographie 2009 de l’Académie des beaux-arts de Paris, il y présente ses paysages dans l’exposition « Campagne française/Fragments ». Un autre regard sur la France. Jusqu’au 21 novembre.
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Le tour de France de Raymond Depardon
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°628 du 1 octobre 2010, avec le titre suivant : Le tour de France de Raymond Depardon