MONDE
L’exposition sur le Pérou, à Montréal, rappelle l’ampleur du pillage des sites archéologiques et met l’accent sur la perte irréparable de mémoire qu’il engendre.
Les médias l’ont baptisé la « Mona Lisa » péruvienne. Ce riche ornement frontal mochica en or datant du IVe ou Ve siècle de notre ère, dont le Musée des beaux-arts de Montréal a fait la pièce maîtresse de son exposition, est devenu en quelques années le symbole de la lutte contre le pillage archéologique au Pérou. Supposé pillé en 1988, repéré en 2004 dans le catalogue d’une galerie londonienne, il a été récupéré par Scotland Yard et remis au Musée de la nation à Lima en 2006. « [Cette pièce] illustre à elle seule, affirme le ministre de la Culture du Pérou, la revalorisation de notre passé, la lutte contre le commerce illicite des biens culturels et notre identité péruvienne. »
Pour l’archéologue Walter Alva, ce poulpe mochica provient du pillage d’une chambre funéraire de La Mina, sur la côte nord du pays. Sorti frauduleusement du territoire, il appartenait à la fameuse collection costaricienne Leonardo A. Patterson dont 1 100 objets sur les 1 500 exposés en 1996 à Saint-Jacques-de-Compostelle venaient de fouilles illégales.
Un trafic international
Si les pays sud-américains et spécialement le Pérou apparaissent les plus touchés, une étude sur le pillage archéologique parue en janvier dans l’American Journal of Archaeology et conduite auprès de 2 358 archéologues dans le monde révèle que le phénomène est global et récurrent. 87 % des 118 pays sondés sont touchés et 78 % des archéologues ont eu à faire face au pillage de leurs sites de fouilles. Celui-ci alimente un trafic particulièrement lucratif, souvent considéré comme le troisième derrière les trafics de drogue et d’armes, qui prennent souvent les mêmes avions que les pièces archéologiques. Comme le déplore l’Icom, la lutte contre le pillage archéologique est néanmoins le parent pauvre de la protection du patrimoine tant l’ampleur du phénomène est considérable et tant les moyens sont dérisoires dans des pays qui comptent des centaines de sites non encore fouillés et impossibles à protéger. Le combat est d’autant plus difficile à mener que le pillage est souvent opéré par des agriculteurs locaux qui agissent de la sorte par nécessité, touchant à peine quelques dollars pour un vase pré-colombien qui en vaudra plusieurs milliers une fois passé sur le marché de l’art international.
Mais plus que la disparition de l’objet lui-même, le pillage signifie la perte définitive des informations scientifiques le concernant, celui-ci s’accompagnant souvent de la destruction des sites. Et quand des pays retrouvent finalement leur patrimoine, celui-ci ne parle plus.
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Le pillage archéologique une perte irréparable d’identité
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°657 du 1 mai 2013, avec le titre suivant : Le pillage archéologique une perte irréparable d’identité