Le Petit Palais présente les collections de la Comédie-Française, réunies au fil des siècles par ses comédiens.
PARIS - Saviez-vous que l’expression « enfant de la balle » est née à la fin du XVIIe siècle, lorsque les troupes de comédiens installaient leurs quartiers dans les jeux de paume du faubourg Saint-Germain à Paris ? Ou encore que les rôles de soubrettes effrontées riant à gorge déployée des comédies de Molière lui avaient été inspirés par l’une des membres de sa troupe, Mlle Beauval, dont le rire nerveux était irrésistible ? L’anecdote de Molière expirant son dernier souffle alors qu’il joue le rôle-titre du Malade imaginaire est, en revanche, connue de tous les écoliers de France et de Navarre. S’il est un fauteuil délabré qu’il serait sacrilège de restaurer, c’est bien celui que Jean-Baptiste Poquelin occupait lors de cette représentation fatale en 1673. Amoureusement conservé par les membres de sa troupe qui l’utilisèrent sur scène jusqu’en 1879, l’auguste siège est devenu l’un des joyaux des collections de la Comédie-Française qu’expose aujourd’hui le Petit Palais, à Paris.
À la fin du XVIIe siècle, lorsque les troupes italiennes, espagnoles et françaises se disputaient le public de la capitale, l’idée d’une exception française apparaît dès 1680, date de la création de la Troupe du Roy. Sur ordre du monarque, elle est désormais seule à détenir le privilège du répertoire en français sur la place de Paris. Encore aujourd’hui, les comédiens qui incarnent cette institution bien vivante sont les garants de la noblesse de leur art, ce malgré les sécessions, les restructurations et autres malaises avec le comité administratif. Au fil des siècles, l’institution n’a eu de cesse d’honorer et d’enrichir son patrimoine, tout en faisant appel à des artistes pour immortaliser ses troupes. Moment clé de l’intéressant parcours chrono-thématique du Petit Palais, la galerie de bustes en marbre organisée comme un impressionnant cortège d’auteurs mené par Molière, flanqué de Corneille et Racine. Les acteurs, eux, ont droit à des portraits peints, pour certains somptueux – comment rester insensible devant le regard intense de Rachel, incarnation de « La Tragédie » par Jean-Léon Gérôme, ou celui perdu dans le vague de Sarah Bernhardt, faisant peau avec son personnage de Berthe dans Le Sphinx, par Philippe Parrot ?
Portrait quelque peu figé
En ce début de XXIe siècle, la Comédie-Française exerce toujours son attrait sur les foules qui viennent en masse découvrir les nouvelles mises en scène de Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand par Denis Podalydès, ou d’Un fil à la patte de Georges Feydeau par Jérôme Deschamps. De cette ruche foisonnante, le Petit Palais dresse un portrait fatalement un peu figé – la scénographie réussie devait initialement laisser entendre les voix des comédiens, mais le brouhaha ambiant a fait reculer les organisateurs. Évidemment, le parcours parfaitement didactique est ici limité aux collections du Français, aux œuvres qui peuplent l’édifice bâti entre 1786 et 1788 par Victor Louis en bordure du Palais-Royal – plusieurs toiles de Watteau y auraient naturellement trouvé leur place dont Les Comédiens français (Metropolitan Museum of Art, New York) ou Gilles (Musée du Louvre, Paris). En cela, cette exposition, qui met en avant les plus belles pièces de ces collections, est aussi un plaidoyer. Entre 1920 et 1925, le théâtre jouissait des salons qu’il jouxte au premier étage, rue Montpensier, à la suite du don de la collection Rondel à l’État. Joël Huthwohl, directeur du département des Arts du spectacle à la Bibliothèque nationale de France, espère que ces salons, actuellement occupés par le Conseil constitutionnel, reviennent au théâtre pour qu’y soient installées des salles d’expositions permanentes et qu’enfin « voit le jour une maison du théâtre qui abriterait l’essentiel de sa mémoire ». À bon entendeur…
Commissariat général : Gilles Chazal, conservateur général, directeur du Petit Palais ; Agathe Sanjuan, conservatrice-archiviste de la Comédie-Française
Commissariat : Sophie Renouard de Bussière, conservatrice générale au Petit Palais ; Sylvain Lecombre, conservateur en chef au Petit Palais
Scénographie : Agence Fluo
À voir : « L’art du costume à la Comédie-Française », Centre national du costume de scène, Quartier Villars, route de Montilly, 03000 Moulins, tél. 04 70 20 76 20, www.cncs.fr. Jusqu’au 31 décembre
Jusqu’au 15 janvier 2012, Petit Palais, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris, tél. 01 53 43 40 00, www.petitpalais.paris.fr, tlj sauf lundi 10h-18h, jeudi jusqu’à 20h. Catalogue, éd. Paris Musées, 175 p., 31 €, ISBN 978-2-7596-0180-6
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Le Français entre en scène
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°358 du 2 décembre 2011, avec le titre suivant : Le Français entre en scène