Peu connues en dehors des États-Unis, les communautés africaines-américaines de la Nouvelle-Orléans, les « Black Indians », se définissent par une culture spécifique.
Si leurs origines se perdent dans les plantations du XVIIIe siècle, elles ressortent toutefois chaque année pour le carnaval. C’est cet incroyable défilé qui est aujourd’hui exposé au Musée du quai Branly, à travers ses costumes, son histoire et ses racines coloniales. Coiffes de chef sioux, esclaves enchaînés et icônes chrétiennes peuplent en effet les costumes du Mardi gras, à côté de nombreuses allusions aux cultures africaines – le vaudou yoruba, notamment. Chaque costume définit le statut du porteur en tant que « chef de tribu » avec des membres affiliés et affirme ses liens avec le passé. Ce passé est l’objet des premières salles de l’exposition, qui accumulent archives et tableaux pour mettre en contexte l’émergence de cette culture locale, sur fond d’esclavage, puis, ensuite, de ségrégation – un grand tableau de Vincent Valdez rappelle de manière frappante, à mi-parcours, que le Ku Klux Klan sévit encore dans les États du Sud, nourri par le suprémacisme blanc. Une constante selon le commissaire Steve Bourget, qui souligne que les Indiens ont aussi été discriminés et, que, au XIXe siècle, « la Nouvelle-Orléans était la ville la plus ségrégationniste des États-Unis ». Des petits groupes d’esclavagisés qui se retrouvaient le soir pour chanter aux « tribus » qui se défient le jour de Mardi gras, les Black Indians se réinventent sans cesse, comme en témoignent leurs somptueux costumes, différents chaque année. Kim Vaz-Deville, commissaire associée et originaire de la Nouvelle-Orléans, précise que « le costume du chef doit être nouveau à chaque Mardi gras et que c’est au chef d’en financer lui-même la fabrication, quitte à sacrifier d’autres dépenses ». À voir les plumes d’autruche, les cauris, les sequins et les perles de verre, ces costumes extraordinaires valent plusieurs milliers de dollars. Ils font d’ailleurs l’objet d’un intérêt nouveau depuis la tempête Katrina de 2005 (évoquée dans l’exposition) et la « révélation » au grand public des Black Indians. Kim Vaz-Deville concède à demi-mot que certains chefs sont devenus des « artistes » à part entière qui vendent leurs costumes, bien que ceux-ci soient dotés d’une forte charge spirituelle. Art contemporain ou traditionnel ? L’exposition ne tranche pas.
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Le carnaval Black Indians, lieu de création et de résilience
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°759 du 1 novembre 2022, avec le titre suivant : Le carnaval Black Indians, lieu de création et de résilience