CASSEL [13.12.11] - Le Musée de Flandre met en lumière la sculpture baroque flamande à travers les collections publiques françaises. PAR DAPHNÉ BÉTARD
Si aux XVIIe et XVIIIe siècles, la sculpture flamande a connu un réel engouement en Europe, le sujet est longtemps resté un terrain quasi vierge pour la recherche en histoire de l’art. Après quelques études confidentielles, l’exposition de la collection des dessins et terres cuites de Charles Van Herck, organisée en 1999 à Anvers, suivie, en 2003, de la publication de L’Architecture religieuse et la sculpture baroque dans les Pays-Bas méridionaux et la principauté de Liège 1600-1770 (1), ont lancé une série de manifestations (expositions, publications et colloques) visant à restituer au public l’importance de cette école jusque-là négligée. Le Musée de Flandre, à Cassel (Nord), ajoute aujourd’hui sa pierre à l’édifice avec une présentation consacrée à la sculpture flamande baroque dans les collections publiques françaises.
Conçu sous la direction du Dr Alain Jacobs, le parcours offre un panorama des principales figures de cette production artistique à laquelle une poignée de conservateurs français ont commencé à s’intéresser à la fin des années 1970, en constituant des ensembles cohérents. Ce fut le cas au Musée du Louvre, où le département des Sculptures comble depuis une trentaine d’années les lacunes de sa collection avec une ambitieuse politique d’acquisition en faveur des écoles du Nord, notamment flamande. En témoignent les nombreux prêts accordés à Cassel, à l’instar de l’impressionnant Samson déchirant le lion, de la Nativité et de L’Été et l’Automne, de Laurent Delvaux, acquis respectivement en 1986, 1988 et en 2005, ou des Portraits en buste de Cornelis Witsen, bourgmestre d’Amsterdam et de son épouse signés Artus Quellin l’Ancien, achetés en 1981. Il faudrait encore citer la présence du modello du Crucifiement de saint Pierre par Jacques Bergé, véritable virtuose du relief sculpté, et de la Lutte entre un lion et un serpent de Walter Pompe, entré au Louvre en 2007. « Avec ses dix-sept sculptures flamandes, le Louvre est, après le Rijksmuseum d’Amsterdam, le musée non belge qui possède la plus riche collection de sculptures baroques des Pays-Bas méridionaux », précise Alain Jacobs.
Les innovations de De Nole
Les musées de la région Nord-Pas-de-Calais ne sont pas en reste, comme le montrent les œuvres sélectionnées au Musée de Saint-Amand-les-Eaux, parmi lesquelles figurent la maquette en terre cuite de La Conversion de saint Paul de Laurent Delvaux. Du Palais des beaux-arts de Lille, le visiteur découvrira Vénus caressant l’Amour et Vénus enseigne l’art du tir à l’art à l’Amour, par Rombouts Pauwels, deux figures réalisées dans une position inversée. Pour certains historiens de l’art, il s’agit de deux pendants antinomiques ; pour d’autres, de deux œuvres dues à deux artistes différents mais très proches – c’est la thèse défendue par Geneviève Bresc-Bautier, conservatrice en chef du département des Sculptures au Louvre. Le musée lillois a prêté également deux œuvres de Delvaux, La Politique et La Religion, ainsi qu’une Vierge à l’Enfant anonyme présentée en regard d’une autre version en terre cuite du même modèle, mais de meilleure facture, provenant du Musée de la Chartreuse, à Douai.
Le Musée départemental de Flandre expose sa propre collection avec des acquisitions réalisées dernièrement : La Pénitence et Notre-Dame de Victoire, deux terres cuites de Guillielmus Kerricx l’Ancien (ou de son entourage pour la deuxième) ainsi qu’un panneau en bois en haut relief figurant sainte Elisabeth de Hongrie, par Artus Quellin le Jeune. D’autres musées ont été sollicités pour participer à cette présentation inédite. C’est le cas du Musée national de la Renaissance-château d’Écouen, qui possède un Torse de Christ en croix (1727) en terre cuite de Walter Pompe et nombre d’ivoires.
La démonstration met en lumière la présence de la sculpture baroque flamande dans les églises de la région Nord-Pas-de-Calais à travers quelques pièces représentatives telles que l’imposante Sainte Anne et la Vierge d’Andries De Nole (Marcq-en-Baroeul), l’une des pièces maîtresses de la manifestation. Datée des années 1630 – période particulièrement prospère pour l’atelier des De Nole –, elle a été sculptée pour être adossée à un autel ou placée dans une niche, et illustre les innovations introduites par l’artiste. Celui-ci inscrit ainsi ses personnages dans des attitudes « plus vraies et plus spontanées », comme le souligne Alain Jacobs, particulièrement la figure de la petite Marie, « pleine de candeur et de naturelle ». Une quinzaine de dessins, études et croquis, évoquent le travail des sculpteurs et complètent ce parcours passionnant qui confronte les sculptures avec subtilité et dévoile à la lumière de travaux scientifiques récents des œuvres trop longtemps restées confidentielles.
Commissaires : Dr Alain Jacobs, historien de l’art, et Sandrine Vézilier, conservatrice du Musée de Flandre
Nombre de pièces : 67
Scénographie : Samuel Percq
Jusqu’au 29 janvier 2012, Musée de Flandre, 26, Grand-place, 59670 Cassel, tél. 03 59 73 45 59/60, tlj sauf lundi, 10h-12h30 et 14h-18h, et 10h-18h le dimanche. Catalogue, éd. Somogy, 208 p., 35 €.
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Le Baroque en relief
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(1) Éd. Mardaga, Sprimont.
En savoir plus sur le Musée de Flandre.
Légende photo :
Laurent Delvaux, La Conversion de saint Paul, terre cuite, 63 x 52 x 35 cm, Musée de la tour abbatiale, Saint-Amand-Les-Eaux.
© Saint-Amand-Les-Eaux, Musée de la tour abbatiale.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°359 du 16 décembre 2011, avec le titre suivant : Le Baroque en relief