L’Américain moustachu Michael Rakowitz a une actualité riche. À Londres, le « Quatrième socle » de Trafalgar Square propose l’une de ses sculptures grand format (The Invisible Enemy Should Not Exist) et, parallèlement, le Castello di Rivoli lui consacre sa première rétrospective européenne.
Son œuvre, dense, poétique et engagée, mérite que l’on s’y attarde, car on en ressort intellectuellement enrichi. Si la première salle ne brille pas par son côté esthétique, elle soulève un problème d’actualité majeur, celui du logement. ParaSITE, démarré à la fin de ses études en 1997, propose des habitations gonflables répondant aux besoins individuels des sans-abris américains. C’est tout l’enjeu de son œuvre : mettre en lumière les problèmes sociétaux, au sens large. Quelques salles plus loin, le visiteur rencontre son travail le plus connu : la reconstitution d’œuvres détruites par l’État islamique ou durant la guerre d’Irak, faites de papier mâché et d’éléments recyclés, également de la série The Invisible Enemy Should Not Exist. Née d’un travail précis, chaque œuvre est accompagnée des inscriptions de son cartel d’origine. L’œuvre de Rakowitz est esthétique, en témoigne également l’installation reconstituant une façade Art nouveau d’un bâtiment d’Istanbul conçue par des artisans arméniens au début du XXe siècle. L’ensemble questionne les conflits, l’architecture et le devoir de mémoire, thèmes pivots de sa pensée. Il faudra donc prévoir du temps pour appréhender cette grande rétrospective, fruit de plus de vingt ans de création, car chaque œuvre est l’aboutissement d’une recherche pointue.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°730 du 1 janvier 2020, avec le titre suivant : L’art esthétique et politique de Michael Rakowitz
