Italie - Art ancien

Rétrospective

La peinture suave du Pérugin

Par Eva Bensard · Le Journal des Arts

Le 14 mai 2004 - 633 mots

Pour la première fois, une exposition explore l’œuvre et la carrière du Pérugin. Réunissant une centaine d’œuvres à Pérouse, elle s’accompagne de plusieurs manifestations dans toute l’Ombrie.

PÉROUSE - Près de cinq siècles après sa mort, l’Ombrie renoue avec le style empreint de douceur de son artiste le plus célèbre, Pietro Vannucci dit « le Pérugin » (vers 1450-1523). Pas moins de six expositions faisant directement ou indirectement référence à son œuvre sont proposées à Pérouse, Deruta, Corciano et Città della Pieve, ville natale du peintre (lire l’encadré). Point d’orgue de ces manifestations, « Perugino, Il divin pittore » rassemble à Pérouse, à la Galleria nazionale dell’Umbria (particulièrement riche en œuvres de l’artiste), un vaste ensemble de peintures, fresques et dessins attribués au maître et à certains de ses contemporains. Au total, une centaine d’œuvres venues de prestigieuses collections italiennes (les Offices à Florence, la Galerie Borghèse à Rome, la Pinacothèque Vaticane) et de musées du monde entier (le Metropolitan Museum of Art à New York, le Kunsthistorisches Museum de Vienne, le Louvre, la National Gallery de Washington) ont été réunies à l’occasion de cette ambitieuse rétrospective. Celle-ci retrace au sein d’un parcours-fleuve les étapes décisives d’une production singulière, mais qui se renouvelle peu.

Préciosité ornementale
Suivant un fil chronologique, la visite s’ouvre sur la période florentine du peintre (à partir de 1472), les années antérieures et la formation initiale du jeune Pérugin (auprès d’un artiste de Pérouse comme le laisse entendre Vasari ?) ayant conservé tout leur mystère. Son passage dans l’atelier d’Andrea Del Verrocchio, où il côtoie Léonard, Botticelli et Luca Signorelli, est illustré par une Vierge à l’Enfant (Staatliche Museen, Berlin) dont la préciosité ornementale, les contours ciselés et les chairs dorées sont des emprunts directs au maître florentin.
Lui succèdent de petits panneaux de qualité médiocre rapidement éclipsés par le cycle de saint Bernardino, huit compositions peintes à plusieurs mains (dont celle du Pérugin) et mettant en scène les miracles du Siennois sur fond d’architectures Renaissance et de paysages bleutés. Un peu plus loin resplendit L’Adoration des mages (Galleria Nazionale, Pérouse), première œuvre significative de l’artiste. Exécutée vers 1470-1473, elle conjugue des schémas de composition encore gothiques (la foule de personnages amassés au premier plan, le goût de l’ornement et des vêtements luxueux) et les formules innovantes du Quattrocento toscan : le paysage qui creuse la composition, l’attention portée à la nature. La rupture définitive avec l’univers raffiné du gothique international intervient en 1481, lorsque le Pérugin est appelé à Rome par le pape Sixte IV pour décorer la chapelle Sixtine. Les fresques qu’il réalise alors – dont la célèbre Remise des clefs à saint Pierre, manifeste d’un classicisme naissant – sont évoquées par des copies peintes ou gravées du XIXe siècle. Mais le meilleur est encore à venir : le Polyptyque Albani Torlonia (1491), chef-d’œuvre d’harmonie irradié par la luminosité limpide d’une journée printanière, la Vierge à l’Enfant de la National Gallery de Washington, délicatement fondue dans un paysage au sfumato léonardesque, ou encore le portrait digne d’un Flamand de Francesco Delle Opere (1494, Florence, Galerie des Offices).
« Ses réalisations ont un air angélique et très doux », observait l’un de ses contemporains. Un aria dolce que l’on retrouve chez ses madones languides, ses saints au gracieux déhanchement et ses anges en lévitation. La reconstitution du monumental polyptyque à deux faces de Sant’Agostino (1503-1523), dont les panneaux étaient dispersés entre divers musées, en offre une démonstration éclatante. Dernière grande entreprise du peintre, elle montre également l’inlassable reprise des formules qui firent la gloire de l’artiste. Mais comment se lasser de la grâce ?

PÉRUGIN, LE PEINTRE DIVIN

Jusqu’au 18 juillet, Galleria nazionale dell’Umbria, Corso Vanucci 19, Pérouse, tél. 39 075 57 21 009, tlj 9h-20h, samedi 9h-22h, www.perugino.net. Catalogue édité par Silvana Editoriale, 637 p., 50 euros.

Sur les traces du Pérugin en Ombrie

Les expositions - « Le Pérugin, la gloire et le mythe », Centre d’expositions de la Rocca Paolina, Piazza Italia, Pérouse, tél. 39 075 36 81 460. Cette petite exposition illustre la réception et l’héritage de l’œuvre du Pérugin du XVIe au XXe siècle. - « Le Pérugin et la miniature ombrienne de la Renaissance », Abbazia di San Pietro, Via Borgo XX giugno 74, Pérouse, tél. 39 075 34 770. Le Martyre de saint Sébastien, seule miniature signée du maître, est présenté aux côtés de miniatures ombriennes et toscanes qui supportent difficilement la comparaison. - « Le Pérugin et le paysage », Palazzo della Corgna, Piazza XIX giugno 1, Città della Pieve, tél. 39 0578 291 226. - « La céramique ombrienne à l’époque du Pérugin », Museo regionale della Ceramica, Largo San Francesco, Deruta, tél. 39 075 97 11 000. - « Le Pérugin, peintre de dévotion », Chiesa di San Francesco, Corciano, tél. 39 075 51 881. Les sites - À Pérouse : Le Collegio del Cambio, dont le Pérugin réalisa la décoration à fresque de la Salle d’audience, l’Abbazia di San Pietro, qui renferme une Pietà et une série de saints peints sur panneaux… À Città della Pieve : le Duomo, qui conserve deux grands tableaux, l’Oratoire de Santa Maria dei Bianchi, l’église de Santa Maria dei Servi. À Bettona, la Pinacothèque communale. À Foligno : l’Oratoire de la Nunziatella, etc. - Pour en savoir plus : Guide Perugino, itinerari in Umbria, éd. Silvana Editoriale, 133 p., 16 euros.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°193 du 14 mai 2004, avec le titre suivant : La peinture suave du Pérugin

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