PARIS
L’artiste investit la Monnaie de Paris avec une exposition forte mais trop dense, troquant parfois sa subtilité contre une regrettable emphase.
PARIS - Cruelle et sournoisement violente malgré ses modestes dimensions, elle passerait presque inaperçue cette assiette posée sur une chaise et dans laquelle s’ébattent deux poissons rouges insouciants pourtant menacés par la lame d’un couteau de cuisine (Sans titre, 1991). Cette subtilité pourtant est ce qui globalement fait défaut à l’exposition de Jannis Kounellis présentée à la Monnaie de Paris, où la force expressive de ses travaux se trouve parfois contrecarrée par leur surnombre.
L’artiste a investi les lieux avec un panachage d’une vingtaine d’œuvres, certaines anciennes et d’autres créées pour l’occasion et recourant, eu égard à la nature des lieux, au métal et à l’idée de manufacture. Nombre de travaux sont en effet constitués de lourdes et épaisses plaques d’acier – 10 tonnes au total se répartissent dans les espaces –, toujours d’une dimension de 2 x 1,80 mètre : une « dimension humaine » que l’artiste a placée, au travers de l’idée ou de la sensation du corps, au centre de la plupart de ses créations, sans toutefois la rendre visible. Mais manifeste est ici l’emphase, qui s’est accentuée au cours des dernières années, chez un artiste qui pourtant n’en a nul besoin pour délivrer des œuvres puissantes. Comme ces lits de camp sur lesquels des plaques de métal courbées et striées sont partiellement recouvertes de couvertures militaires (Sans titre, 2000), qui dialoguent avec de délicates étagères suspendues devant les fenêtres accueillant toute une collection de verres (Sans titre, 2003) ; un dispositif qui ne nécessitait pas d’être dupliqué dans deux salons contigus. Plus problématique encore est la grande salle de la Monnaie, qui ne regroupe pas moins de huit œuvres, ce qui est beaucoup trop. Iconiques, deux pièces de la fin des années 1960 exécutées à l’aide de lits de camp posés sur des tapis de clous, et dont l’une fait voisiner le feu avec des rats en cage (Sans titre, 1969), sont littéralement écrasées par une œuvre récente à la pompe un peu consternante. Celle-ci est constituée de huit plaques d’acier marquées au dos de dates de naissance d’artistes et posées sur de lourds chevalets (Sans titre, 2016). D’autres travaux viennent s’insérer entre les colonnes pour achever de rendre le tout particulièrement confus.
Pour plus de finesse le spectateur se laissera porter par le son du violon et l’irruption soudaine d’une ballerine venant danser devant une toile sur laquelle ont été tracées quelques notes du Pulcinella de Stravinsky (Sans titre (Da inventare sul posto), 1972). Car Kounellis peut être diablement fin et subtil, et c’est bien là où il excelle. Pas lorsqu’il se laisse emporter par la grandiloquence.
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Kounellis prend du poids
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 30 avril, Monnaie de Paris, 11, quai de Conti, 75006 Paris, tél. 01 40 46 57 57, www.monnaiedeparis.fr, tlj 11h-19h, jeudi 11h-22h, entrée 12 €. Livre d’artiste, éd. Monnaie de Paris, 64 p., 36 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°455 du 15 avril 2016, avec le titre suivant : Kounellis prend du poids