PARIS
Des lieux de mixité confessionnelle et de coexistence pacifique existent. Démonstration faite au Musée national de l’immigration à Paris.
Paris. Courez-y. « Lieux saints partagés » est une exposition exceptionnelle dont on ressort plein d’optimisme. Revigoré de découvrir, qu’en ce début de XXIe siècle, marqué par une montée en puissance de l’intolérance et une escalade des tensions religieuses sur fond de crises géopolitiques (conflits Israël-Palestine, guerre contre Daech en Syrie et en Irak, etc.), des fidèles de religions différentes se côtoient, s’entendent et partagent des croyances, des rites et des pratiques dans des lieux saints.
Des exemples ? « Il n’y a jamais de problème, ici, les gens se respectent », raconte, dans une vidéo, un fidèle musulman interrogé à l’entrée du sanctuaire juif du mont Carmel, perché au-dessus d’Haïfa (Israël), et fréquenté par des chrétiens, des musulmans et des druzes. « Je suis ici, parce que c’est la maison de Dieu. Peu importe que j’aille dans une mosquée, une église ou une synagogue », explique un autre pèlerin musulman grimpant vers le monastère grec orthodoxe de saint Georges, au large d’Istanbul, qui surplombe la mer de Marmara. On retrouve cette même coexistence pacifique à Notre-Dame d’Afrique à Alger, à Notre-Dame de Santa Cruz à Oran ou à Notre-Dame de la Garde à Marseille, trois sanctuaires mariaux devenus des lieux interconfessionnels.
Le voyage démarre en Terre sainte, se poursuit dans des îles grecques et turques, fait étape dans quelques « oasis » disséminées de part et d’autre de la Méditerranée avant de s’achever en Allemagne. À Berlin où sera construite, en 2018, une « Maison de prière et d’enseignement des trois religions » : House of One réunira une église, une synagogue et une mosquée sous un même toit.
Après avoir été présentée en 2015 à Marseille au Mucem, en 2016 à Tunis au musée du Bardo, puis en 2017 à Thessalonique au Musée national de la photographie, « Lieux Saints partagés » est arrivée, cet automne, sur les bords de Seine. Elle a été complètement réécrite et élargie à l’Europe pour coller aux thématiques du Musée national de l’histoire de l’immigration. « La concurrence et la détestation réciproque ne sont pas inscrites dans l’ADN des “cultures” religieuses, en Méditerranée, comme ailleurs », soulignent les commissaires d’exposition Dionigi Albera et Manoël Penicaud, tous deux anthropologues au CNRS, qui s’emploient à « dédramatiser le débat sur le choc des civilisations ».
Pour autant, pas d’irénisme dans cette exposition qui ne dissimule ni les drames, ni les conflits, ni la montée des tensions dans les points religieux névralgiques. À Jérusalem notamment où « la proximité peut se révéler insoutenable et générer l’édification de barrières » ou de partitions des lieux saints comme sur le Mont du temple/Esplanade des mosquées.
Remarquable, l’exposition l’est aussi d’un point de vue scénographique : éclairage soigné et tamisé, alternance d’élégants panneaux noirs et turquoise, fluidité de la circulation. Anthropologie, histoire, histoire de l’art et création contemporaine sont convoqués tout au long de ce parcours de 600 m2. Dans l’espace consacré à la Terre sainte, par exemple, une photo de Félix Bonfils montrant L’Arbre d’Abraham à Hébron voisine avec une lithographie de Chagall sur laquelle figure Abraham sous la chênaie de Mambré, offrant l’hospitalité à trois anges, et de superbes photos ou vidéos de fidèles en train de prier dues à Manoël Pénicaud.
Une section passionnante - malheureusement trop elliptique - est consacrée à trois passeurs et bâtisseurs de paix : André Chouraqui (1917-2007), le traducteur de la Bible et du Coran, Paolo Dall’Oglio (1954, porté disparu en 2013), jésuite italien « amoureux de l’Islam et croyant en Jésus », et Louis Massignon (1883-1962), l’un des plus grands islamologues et arabisants du XXe siècle, qui a œuvré à la réconciliation des trois monothéismes.
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Juifs, chrétiens et musulmans sous le même toit
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Abonnez-vous dès 1 €Manoël Pénicaud, Juive et musulmane priant dans la synagogue de la Ghriba, Djerba, 2014 © Manoël Pénicaud/MuCEM-IDEMEC
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°491 du 15 décembre 2017, avec le titre suivant : Juifs, chrétiens et musulmans sous le même toit