Joseph Vernet par Diderot

Langres (Haute-Marne). « Ce Vernet, ce terrible Vernet, joint la plus grande modestie au plus grand talent. » C’est ainsi que, à la suite de sa visite au Salon de l’Académie royale de peinture et de sculpture, en 1767, Denis Diderot (1713-1784) louait le peintre, dans sa « Promenade Vernet » (Salon de 1767). Le récit, d’une longue balade en pleine nature aux côtés d’un abbé et de ses élèves décrit les paysages explorés par le petit groupe. Dans une ultime partie, le philosophe révèle que cette promenade est imaginaire, et que chaque description est en réalité celle d’un tableau de Joseph Vernet (1714-1789).

Diderot faisait « partie de la génération des premiers critiques d’art », selon Olivier Caumont, directeur des musées de Langres et commissaire de l’exposition « Les artistes de Diderot. Joseph Vernet » au Musée d’art et d’histoire de Langres. Troisième volet d’une série s’attachant à montrer le point de vue de l’encyclopédiste sur les artistes de son temps, après Hubert Robert en 2015 et Joseph-Marie Vien en 2017, il fait également partie de la cinquantaine de rendez-vous célébrant le 10e anniversaire de la Maison des Lumières, unique musée français consacré au penseur langrois.

À travers quinze œuvres, dont deux nouvelles acquisitions, l’exposition propose un voyage dans le temps, grâce à la réunion de tableaux vus ou commentés par Diderot. Le parcours se transforme en une véritable plongée dans les écrits du philosophe, où l’œuvre de Vernet est décortiquée par ses commentaires, reproduits sous chaque tableau.

On découvre ainsi la popularité à l’époque de Joseph Vernet, non seulement l’un des artistes les plus commentés par l’essayiste, mais aussi « star » de la peinture du XVIIIe siècle. « À cette époque, tout le monde voulait une peinture de Vernet ! », assure Olivier Caumont. Sa réputation, Joseph Vernet la doit surtout à sa modernité. L’artiste réussit à renouveler le genre du paysage, jusqu’ici considéré comme mineur, en y insérant des témoignages historiques. Un port devient alors le prétexte pour dépeindre le métier de tireur de corde, les flancs d’une montagne documentent les étapes de la construction d’une route et les abords d’une foire explicitent l’économie de la marine fluviale. La dimension artistique est dépassée, et l’œuvre acquiert un intérêt documentaire : si les vues représentées ne sont pas réelles, tout dans les peintures de Vernet est réaliste.

Ses réalisations les plus impressionnantes, celles de tempêtes, en sont un exemple. Très appréciées de Diderot et de ses contemporains, ses descriptions dramatiques du spectacle de la nature sont hypnotiques : ciels obscurcis, éclairs perforants, vaisseaux fracassés entre les flots, cris de naufragés presque perceptibles... Les tempêtes de Vernet sont représentatives de son œuvre, où chaque paysage raconte une histoire, ici décryptée à travers les yeux de Diderot.