Jean-Jacques Lebel pour un culte de Vénus

A coup de performances et de happenings, Jean-Jacques Lebel avait alors pris pour habitude de joyeusement dynamiter tous les vieux mythes poussiéreux que vénéraient un pays encore profondément engagé dans une guerre de décolonisation. Depuis cette période, Lebel s’est un peu assagi sans pour autant se départir de son esprit profondément critique, esprit que l’on retrouve encore aussi bien dans son art que dans ses autres activités (essayiste, commissaire d’exposition). L’actuelle pièce, Reliquaire pour un culte de Vénus, se compose de centaines d’objets et de représentations de Vénus. Loin de n’être qu’un simple amoncellement monstrueux, qu’un vague assemblage de formes hétérogènes, cette œuvre ouvre au contraire un pan obscur de l’histoire des idées et des croyances. Rassemblées avec soin pendant près de 10 ans, toutes les pièces (près de 2000) de ce gigantesque puzzle démontrent que tout mythe en Occident réactive obstinément un vieux fonds païen que la religion chrétienne s’est toujours efforcée de nier. Véritable archéologie d’une propagande souterraine de la sexualité la plus folle, typologie bordélique d’un refoulé qui ne cesse de ressurgir sous les formes les plus invraisemblables, ce reliquaire doit être considéré comme une machine de guerre idéologique contre le spectaculaire de notre société. Il convenait afin de mieux porter la contradiction au cœur même de ce système de jouer sur l’accumulation et la dramatisation d’un vieux mythe qui n’en finit pas de ressurgir.