VENISE / ITALIE
Deux ans après la disparition de l’artiste grec, en février 2017, la Fondation Prada organise, à Venise, la première exposition posthume d’importance de Jannis Kounellis.
Dans les magnifiques décors du palais Ca’ Corner della Regina, sur le Grand Canal, la fondation réunit une soixantaine d’œuvres réalisées entre 1959 et 2015. Le commissariat de l’exposition est signé par le critique d’art Germano Celant, qui fut l’inventeur du terme « Arte Povera », dont Kounellis est l’un des grands représentants. Tas de charbon, de laine, de pierres, de poutres et de chaînes d’acier contrastent avec les fresques et les moulures du palais XVIIIe. Le rapprochement est saisissant (comme cela fut déjà le cas en 2016 à l’hôtel de la Monnaie à Paris). Les références à l’iconographie chrétienne, à la guerre, à l’histoire comme au commerce mondial sont nombreuses. Sur un mur, Kounellis « pose » sur des étagères les traces de brûlure d’un chalumeau. Un autre mur est recouvert de feuilles d’or. Au plafond, d’anciennes et lourdes armoires en bois sont suspendues aux poutres. À qui ces armoires ont-elles appartenu ? Nul ne le dit, mais, c’est sûr, elles ont appartenu à des gens, dont l’histoire flotte au-dessus de nos têtes. Car, profondément absent, l’homme est pourtant partout dans l’exposition. Sa mémoire en tout cas. Le charbon ? Il renvoie à la condition humaine et sociale de l’homme. Les vêtements ? À sa fragilité. Comment ne pas penser aux camps de concentration devant l’alignement des vêtements au sol ? Comment ne pas penser, non plus, aux corps des migrants qui échouent sur les plages italiennes ? L’œuvre de Kounellis est toujours active.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°727 du 1 octobre 2019, avec le titre suivant : Jannis Kounellis, toujours actif