Art ancien

Paris-7e

Harriet Backer, peintre avant tout

Musée d’Orsay – jusqu’au 12 janvier 2025

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 21 octobre 2024 - 357 mots

XXe Siècle -  Sans doute est-ce l’heure bleue, ce court moment juste avant l’aube, entre la nuit et le jour, où pendant quelques instants, tous les animaux se taisent et où la nature se fait silencieuse, que semble chercher à peindre Harriet Backer (1845-1932).

Artiste norvégienne méconnue en dehors de son pays, où elle fut l’artiste femme la plus renommée de la fin du XIXe siècle, c’est elle que le Musée d’Orsay propose de découvrir. Dans un intérieur aux rideaux et coussins bleus, révélés par le rouge d’un bureau, une femme est en train de coudre. La lumière provient de la fenêtre, comme dans un tableau de Vermeer, où tout est calme et beauté, avec des vibrations de la touche évoquant les recherches des impressionnistes à Paris, où Harriet Backer vécut dix ans à partir de 1878. Les enfants sont peut-être sortis, ou se sont endormis. On ne sait si cette femme dispose d’une « chambre à soi », cette condition pour créer selon Virginia Woolf. Mais au moment où Harriet Backer la peint, elle a un temps pour elle, ce temps précieux de l’intériorité. Cet Intérieur bleu est considéré en Norvège, comme un des chefs-d’œuvre d’Harriet Backer. Elle-même ne s’est pas mariée : elle a constaté les entraves à la création de la vie maritale et familiale auxquelles était confrontée sa sœur Agathe, musicienne très talentueuse dont les concertos sont encore joués aujourd’hui. Aussi a-t-elle fait le choix de s’installer avec une amie, Kitty Kielland, artiste elle aussi. Une section de l’exposition du Musée d’Orsay présente d’ailleurs des œuvres de peintres femmes de leur cercle, à travers des portraits où elles se représentent les unes les autres, témoignant de leur complicité et d’un statut d’artiste alors difficile à conquérir pour les femmes. Au long du parcours, se déploient les thèmes chers à Harriet Backer – la musique, les intérieurs des maisons ou ceux des églises médiévales typiquement norvégiennes. Éclairés avec une grande délicatesse, ses tableaux révèlent la brûlante douceur avec laquelle l’artiste exalta l’âme de la Norvège, les subtils effets irisés de la lumière sur les objets et les harmonies colorées. Le temps semble suspendu. Seule reste la musique.

« Harriet Backer (1845-1932), la musique des couleurs »,
Musée d’Orsay, Esplanade Valéry-Giscard-d’Estaing, Paris-7e, www.musee-orsay.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°780 du 1 novembre 2024, avec le titre suivant : Harriet Backer, peintre avant tout

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