La Haye et Washington organiseront l’année prochaine une grande exposition Vermeer qui comprendra vingt tableaux. Les études préliminaires à la restauration de la 'Vue de Delft' ont apporté une information spectaculaire.
LA HAYE - Le Mauritshuis de La Haye et la National Gallery of Art de Washington mettent actuellement sur pied la première grande exposition de Jan Vermeer (1632-1675). Plus de vingt des quelque trente toiles recensées seront exposées à Washington à partir de novembre 1995, avant de prendre le chemin de La Haye en mars de l’année suivante. Les autres tableaux ne peuvent être déplacés de leur lieu d’exposition habituel, pour des raisons légales.
En vue de cette exposition, plusieurs toiles sont en cours de restauration. Ainsi le Mauritshuis engage la restauration de la Vue de Delft et de la Jeune fille à la perle, financées par la Rabobank. Réalisé sous la direction de Joren Wadum, chef du Département de la restauration, ce projet a débuté le 10 mai et durera jusqu’au mois d’août.
Du sable pour rehausser la couleur
Les études préliminaires en vue de déterminer l’état des deux toiles ont déjà fourni des informations spectaculaires. Il se révèle ainsi que Vermeer a mêlé du sable à sa peinture pour rendre plus "rugueuse" la texture des toits dans la Vue de Delft. On avait déjà découvert il y a quelques années, que Pieter Saenredam utilisait de la poussière d’or pour obtenir un effet de scintillement dans ses intérieurs d’église, tandis qu’Elias van den Broeck appliquait des ailes de papillon à la surface de la peinture encore humide. D’autres artistes employaient du verre broyé comme substitut de l’outremer, trop coûteux. Mais les artistes n’ont commencé à mêler du sable à leur peinture qu’après la Seconde Guerre mondiale. Wadum entend montrer que Vermeer a consciemment employé du sable pour rehausser l’effet des couleurs de terre dans sa Vue de Delft.
Cette toile, achetée en 1822 par le roi Guillaume Ier de Hollande pour le Mauritshuis, est reconnue comme l’œuvre la plus importante du peintre. Elle a aujourd’hui un sérieux besoin d’être restaurée, de minuscules écailles de peinture s’en détachant en plusieurs endroits. Il faudrait, pour les recoller, enlever la couche de vernis d’une épaisseur inhabituelle. On craint cependant que le vernis n’adhère trop fortement pour pouvoir être enlevé sans dommages pour la couche de peinture sous-jacente. De plus, ce vernis est décoloré, et appliqué irrégulièrement sur la toile, ce qui crée des effets de tache. En l’ôtant, Joren Wadum espère éliminer du même coup les anciens repeints, révélant un ciel plus clair et un premier plan plus jaune. L’autre toile soumise à restauration est la Jeune fille à la perle, l’un des tableaux les plus populaires du musée, légué en 1903. La toile a perdu une grande partie de sa lumière originelle, en raison de l’épaisse couche de vernis décoloré et des repeints qui assombrissent l’ensemble. Les craquelures des parties les plus claires de la toile, provoquées par la dessiccation de la peinture, se sont remplies de poussière, de saletés et de vernis assombri avec les années. À la radiographie, la toile montre des pertes de matière considérables. Pour épauler ces activités de restauration, toutes les toiles existantes de Vermeer sont actuellement soumises à des analyses techniques détaillées, afin d’établir une banque de données exhaustive pour aider les restaurateurs.
Le catalogue de l’exposition, avec de nouveaux détails biographiques sur l’un des peintres les plus discrets du XVIIe siècle hollandais, est en cours de préparation sous la direction d’Arthur Wheelock, conservateur de l’art de l’Europe du Nord à la National Gallery, et de Ben Broos, directeur des Recherches au Mauritshuis.
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Du sable dans la peinture
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°4 du 1 juin 1994, avec le titre suivant : Du sable dans la peinture