La Fondation Bullukian ouvre ses espaces d’exposition et son jardin à deux artistes dont les univers, très différents, partent chacun du même constat : nous vivons « dans un monde abîmé » – pour citer un titre récent de la revue Critique.
Le premier, Jérémy Gobé, a choisi d’agir à l’intérieur du système en se colletant avec la réalité du monde industriel. Lors d’une résidence chez Saint-Gobain Weber, il a développé des moulages réinterprétant le motif sinueux des pierres vermiculées, et inventé pour l’occasion une peinture irisée, le tout selon les techniques le plus respectueuses possible de l’environnement. Le second, Andrea Mastrovito, livre un exercice de grande virtuosité oscillant entre mélancolie et ré-enchantement. Il a ainsi réalisé pour la première partie de l’exposition un travail de marqueterie disposé au sol, évoquant celui d’une enceinte religieuse, que l’on parcourt après s’être déchaussé. Intitulée Le monde est une invention sans futur, cette installation s’articule en sept tableaux reprenant des scènes extraites de films des Frères Lumière, dans lesquelles sont incrustées, telles des ombres portées, des images renvoyant à la violence de l’actualité. Pour la deuxième partie du parcours, il a sculpté des livres de botanique mis au pilon en une sorte de pop-up géant printanier, et poursuivant sa métaphore d’un espace confessionnel, dessiné des vitraux à partir de collages de règles en plastique usagées. À voir aussi Nysferatu, film d’animation crépusculaire reproduisant le Nosferatu de Murnau, transposé dans la ville de New York – où l’artiste italien est désormais installé.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°729 du 1 décembre 2019, avec le titre suivant : Double messieurs à la Fondation Bullukian
