OTTERLO / PAYS-BAS
Le musée issu de la donation de la collectionneuse donne à voir un ensemble d’œuvres, marqué du sceau de la recherche d’humanisme de celle-ci.

© Adagp Paris 2025
Otterlo (Pays-Bas). Une nouvelle présentation des collections du Musée Kröller-Müller accompagnera, dans deux ans, l’ouverture d’une extension construite par l’architecte japonais Tadao Ando. Dans cette perspective, Renske Cohen Tervaert, conservatrice des œuvres datant d’avant 1940 – donc, pour la plupart, acquises par Helene Kröller-Müller (1869-1939) – a commencé à réfléchir au nouvel accrochage qu’elle pourrait proposer. « Pour penser l’avenir, remarque-t-elle, il est bon de regarder le passé. J’ai donc eu envie de revenir à la collectionneuse qui a fondé ce musée. »
Installée aux Pays-Bas après son mariage avec le Néerlandais Anton Kröller, Helene Müller, fille d’un industriel allemand, s’était intéressée toute jeune à ses compatriotes Goethe, Lessing et Schiller dont elle partageait l’humanisme. En les étudiant, elle recherchait une forme de spiritualité qui lui convienne. Sa rencontre en 1906, avec le peintre, professeur et critique d’art néerlandais, Henk Bremmer, très proche de nombreux artistes contemporains, la pousse dès 1907 à utiliser l’immense fortune familiale pour acquérir des œuvres. Avec le spinoziste Bremmer qui professe que Dieu est dans tout, elle vient de découvrir une vision spirituelle de l’art à laquelle elle adhère.

L’exposition réunit une soixantaine de peintures, sculptures, dessins, estampes, et même un film appartenant au musée, et assemblés par affinités et non par époques ou écoles. Elle a pour but de dévoiler comment la collection exprime une spiritualité, dans les œuvres acquises par Helene Kröller-Müller et par les directeurs du musée qui lui ont succédé. Ceux-ci ont recherché, comme elle, un sens aux objets qu’ils achetaient ou acceptaient de recevoir. Ainsi, lors de la présentation de la récente entrée au musée de Sans titre (1969) de Blinky Palermo, Benno Tempel, directeur du musée, a déclaré qu’on pouvait y retrouver « les recherches spirituelles et philosophiques » de la collectionneuse. Une approche que montrent avec force les deux œuvres qui ouvrent le parcours, Panier de citrons et bouteille, Arles, mai 1888 de Van Gogh, acheté en 1909, et Tête de Christ (XIIIe siècle français) en bois peint, trouvée par Helene Kröller-Müller chez un brocanteur en 1912 et qu’elle définissait comme un « Christ spinoziste ».
Pour encourager le public à porter sur les collections ce regard personnel détaché de l’histoire de l’art, une philosophe, Désanne van Brederode, a travaillé sur des textes pour enfants et adultes, issus de ses conversations avec son entourage à propos de sept œuvres du parcours qu’elle a choisies : Phare dans la nuit (1917) de Charley Toorop, Moine (1919) de Johan Coenraad Altorf, Oliveraie (1889) de Vincent van Gogh, La Madeleine au désert (Méditation) (1869) de Pierre Puvis de Chavannes, Sons d’un orgue (juillet-août 1891) de Jan Toorop, Composition 10 en noir et blanc (1915) de Piet Mondrian et La Mariée (1892-février 1893) de Johan Thorn Prikker. Ces dialogues, que les visiteurs écoutent confortablement assis devant les œuvres, sont particulièrement appréciés du jeune public dans la version qui lui est destinée.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°650 du 28 février 2025, avec le titre suivant : De la spiritualité dans l’art et la collection Kröller-Müller