Dans la Grande Galerie de l’Évolution, le Muséum national d’histoire naturelle consacre une exposition remarquable aux pierres précieuses. De l’histoire des minéraux (diamants, perles, émeraudes…) à leur sublimation dans des chefs-d’œuvre de joaillerie, 6 clés pour comprendre les gemmes.
Parmi les pièces et gemmes exceptionnelles de l’exposition « Pierres précieuses », cette sublime collerette Van Cleef & Arpels en émeraudes, diamants et platine a appartenu à Son Altesse Royale la princesse Faouzia d’Égypte. Réalisé en 1929, le sertissage Art déco soutient dix émeraudes anciennes en forme de goutte. Les émeraudes font partie des béryls, une famille de minéraux à laquelle appartiennent l’aigue marine et la morganite. Parmi les différents éléments chromogènes qui les composent, le chrome et le vanadium participent à leur donner cette couleur verte unique entre toutes les gemmes. Ces pierres sont ici naturellement incluses avec des givres (cavités emplies de fluide minéralisé) – on parle alors de « jardins » d’émeraudes. La dixième émeraude est harmonieusement placée dans le dos de la parure, la partie fermoir du collier devenant ainsi quasiment aussi importante que le monumental plastron. La couleur unique et la taille de ces « pendeloques » sont absolument remarquables. Les frères Arpels ont voyagé plusieurs fois en Inde afin d’acquérir auprès des maharadjahs des gemmes de ce type qu’ils conservaient pour les commandes spéciales de leurs fidèles clientes. La constitution de parures de cette ampleur reste encore aujourd’hui le fruit d’une longue et patiente collecte de pierres précieuses.
Depuis sa création en 1906, la maison Van Cleef & Arpels a toujours eu à cœur de créer des pièces de joaillerie techniques et innovantes qui ont fait sa renommée. Le serti mystérieux fait partie des signatures de la maison, mettant en valeur le talent et la virtuosité des sertisseurs et des lapidaires qui taillent les pierres précieuses. Le rubis est la variété rouge de la famille du corindon, sa couleur si particulière venant de la présence de chrome. Les rubis avec une belle teinte uniforme et une couleur éclatante sont des trésors de la nature difficiles à réunir. Ici, le clip Fuchsia met en lumière les rubis sertis grâce à la technique dite du serti mystérieux à laquelle s’ajoute une série de diamants taillés en forme de poire, tombant en cascade. Brevetée en 1933, cette prouesse technique pour l’époque permet de sertir des pierres sans griffes ni métal apparents. Posés sur une fine résille d’or, les rubis glissent et s’emboîtent grâce à une fine rainure. Une sélection très minutieuse des pierres permet de donner une harmonie de couleur au motif ainsi qu’un volume agréable à l’œil.
Le diamant naît de l’action conjuguée d’une pression et d’une chaleur intenses. Remonté à près de 250 km/h à la surface de la planète au cours de violentes éruptions, il provient littéralement des entrailles de la Terre. Constitué de carbone quasiment pur, il est d’entre toutes les gemmes la plus dure à cliver, autrement dit à couper. Les diamants possèdent des « feux » extraordinaires – c’est la dispersion de la lumière qui donne ce que l’on appelle l’effet de couleurs arc-en-ciel – qui en font une pierre d’un attrait incomparable. Depuis plusieurs siècles, les joailliers les sertissent et les transforment en parures précieuses d’une beauté à couper le souffle. Créé à l’occasion du mariage de sa fille Faouzia en 1939, le collier de la reine Nazli d’Égypte pèse 204,03 carats (l’unité de poids employée pour estimer les pierres précieuses). En comparaison, le Koh-i-Noor, le diamant qui se trouve sur la couronne d’Angleterre, pèse seulement 105,60 carats. Cette collerette réunit différentes tailles de diamants, brillants et baguettes, le tout étant serti sur du platine. Cette joaillerie dite « blanche », car fabriquée à partir de platine et de diamants, met en valeur les motifs en laissant disparaître la monture. Elle magnifie un superbe diamant taille brillant central, encadré d’un jeu de plissés et de diamants en chute.
Moins connues que ses consœurs nacrées, les vingt-trois perles Melo Melo (ou perles porcelainées) du dernier empereur du Vietnam, Bao Dai, sont absolument remarquables. Cette collection extraordinaire, aujourd’hui présentée au Muséum national d’histoire naturelle, a été collectée par ses prédécesseurs au fil des siècles. Ces perles revêtent une dimension sacrée aux yeux des bouddhistes, la conque étant l’un des huit symboles liés à Bouddha. Comment imaginer que ces merveilles d’une couleur et d’une taille incroyables proviennent d’un gastéropode de l’océan Pacifique, le melo melo ? Ce coquillage de la famille des volutes produit des perles non nacrées, d’une matière qui ressemble davantage à de la porcelaine, avec des teintes allant du jaune au brun. On peut admirer les nombreuses « flammes » créées grâce aux cristaux de carbonate de calcium, la lumière en surface révélant leur chatoiement. Les perles Melo Melo sont d’autant plus rares qu’il est encore à ce jour impossible de les cultiver en masse et que ce coquillage n’est présent que dans certains endroits du globe.
L’exposition « Pierres précieuses » met également l’accent sur des savoir-faire ancestraux comme la marqueterie de pierre. Développée en Italie au XVIe siècle, cette technique utilise la « pietra dura », ou pierre dure, pour créer des objets en incrustation de pierres ornementales. La Grande Table de la famille Orsini est un chef-d’œuvre de la Renaissance italienne. D’une taille remarquable, on peut y découvrir toutes sortes de symboles naturalistes, animaux et insectes. On trouve également les quatre éléments (l’air, l’eau, le feu et la terre) symbolisés chacun par un animal. Le plateau, constitué d’un marbre blanc de Carrare et de marqueterie, présente une variété de pierres et de matières organiques extrêmement riche, dont le lapis-lazuli, le jaspe, l’agate ou la nacre. Elles donnent vie, par la richesse de leurs tons et les nuances de leurs couleurs, à la faune et la flore représentées. Offerte par la famille Orsini à Mazarin en cadeau diplomatique, cette table a traversé les siècles et fut la possession de nombreux rois de France et de leurs ministres. Elle appartient aujourd’hui à la collection du Muséum national d’histoire naturelle où on peut l’admirer grâce à un subtil jeu de miroirs.
Difficile de ne pas parler du collier Zip de la maison Van Cleef & Arpels. Celui présenté aujourd’hui au Muséum national d’histoire naturelle est une des toutes premières versions produites par la maison de joaillerie en 1951. Ce somptueux collier transformable en bracelet requiert une haute technicité des artisans joailliers. C’est Wallis Simpson, la duchesse de Windsor (1896-1986), grande amatrice de bijoux, qui soumet l’idée à Renée Puissant, alors directrice artistique de Van Cleef & Arpels, de réaliser un collier qui se transformerait en bracelet avec le support de la fermeture à glissière. Ouvert, c’est un collier ; fermé, le collier Zip se transforme en un somptueux bracelet. Cette idée est adoptée à la fin des années 1930, et il faudra alors dix années aux artisans de la maison pour trouver les savoir-faire permettant de transformer cet objet quotidien en pièce de joaillerie exceptionnelle. Le collier Zip est unique et permet une déclinaison de modèles infinie, par le choix des pierres, gemmes ou ornementales, l’or ou le platine et les motifs qui vont s’accoler au zip.
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Comprendre les pierres précieuses
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°739 du 1 décembre 2020, avec le titre suivant : Comprendre les pierres précieuses