Le Musée des beaux-arts de Rennes offre une relecture du Western Art, pan de l’histoire de l’art américain peuplé de cow-boys et d’Indiens.
Des images clichés
Dès 1903, avec Le Vol du grand rapide (« The Great Train Robbery ») d’Edwin S. Porter, l’industrie cinématographique californienne s’est attelée à la construction d’un mythe, celui de la naissance des États-Unis et de la conquête de l’Ouest. En réalité, les clichés véhiculés par les images en Technicolor et le tout-puissant John Wayne ne faisaient que perpétuer le travail amorcé par les artistes peintres, sculpteurs et illustrateurs dès les années 1830. C’est avec une candeur et un regard européen assumés que Laurent Salomé, directeur du musée rouennais et concepteur de l’exposition, propose une lecture originale du « Western Art », un pan de l’histoire de l’art incontournable aux États-Unis mais inédit en France et rendu possible grâce au réseau Frame (lire l’encadré). À rebours de l’approche historiciste américaine, le parti pris est ici esthétique. Et l’accrochage chronologique suit l’évolution picturale, depuis les premières observations ethnographiques des années 1830 jusqu’aux illustrations de magazine et projets publicitaires des années 1940.
Hormis une première galerie de portraits documentaires de chefs Indiens – série commandée par Louis-Philippe à George Catlin en 1845 –, l’ensemble sombre très vite dans la caricature, aussi réussie soit-elle. Même les splendides panoramas des grands parcs nationaux de Yellowstone et de Yosemite étaient soigneusement retravaillés en atelier par Albert Bierstadt et Thomas Moran. La transformation des faits historiques en légende n’est pas sans rappeler la vague orientaliste en France, mais l’ambition est très différente. Lorsque Fromentin et Chassériau se délectaient de sujets aux tonalités nouvelles et aux détails exotiques, les artistes américains servaient la cause des pionniers du Nouveau Monde. En cela, la disparition manifeste au fil des salles de la figure de l’Indien crée un léger malaise. Le génocide apparaît ici en filigrane, car les artistes de l’époque ont soigneusement évité d’aborder le sujet de front. Le visiteur assiste plus ou moins en temps réel à la disparition d’un peuple en faveur d’un autre, plus puissant. Ce n’est pas un hasard si le parcours de l’exposition s’achève sur le tableau Hogback Hill, de Maynard Dixon, datant de 1942. Dans cette composition au style synthétique, la silhouette d’un cow-boy armé d’un fusil se découpe en contre-jour sur la crête de coteaux rocheux, à la lueur du coucher du soleil. Peinte dans les mêmes tons gris-rose que la roche, sa présence fait désormais partie intégrante du paysage.
LA MYTHOLOGIE DE L’OUEST DANS L’ART AMÉRICAIN 1830-1940, jusqu’au 18 mai, Musée des beaux-arts, 20, quai Émile-Zola, 35000 Rennes, tlj sauf lundi et jours fériés, 10h-12h et 14h-18h, 10h-18h le mardi, tél. 02 23 62 17 45, www.mbar.org. Catalogue, coéd. Musées de la Ville de Rouen/Musée des beaux-arts de Rennes/Musées de Marseille/Silvana Editoriale (Milan), 240 p., ISBN 9-788836-609246, 28 euros.
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Chevauchée sauvage à Rennes
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissariat général : Laurent Salomé, directeur
des musées de Rouen
- Commissariat à Rennes : Francis Ribemont, directeur du Musée des beaux-arts
- Nombre d’œuvres :
une soixantaine d’œuvres réparties dans 6 salles
- Organisation : la majorité des œuvres proviennent du réseau Frame (French Regional Art Museum Exchange), mais également d’autres musées français et américains
L’exposition sera présentée
au Centre de la Vieille-Charité à Marseille du 6 juin au 31 août.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°276 du 29 février 2008, avec le titre suivant : Chevauchée sauvage à Rennes