PARIS
PARIS - Le visiteur non coutumier du Petit Palais, à Paris, passera facilement à côté de l’exposition « Au creux de la main ». En l’absence de signalétique claire, difficile en effet de distinguer dans le parcours permanent l’accrochage temporaire qui occupe pour quelques mois la salle symboliste du musée.
L’idée est pourtant belle : après des décennies d’oubli, le Petit Palais fait partie des six musées français qui ont décidé de sortir des réserves leurs collections de médailles des XIXe et XXe siècles. À l’origine du projet figure le Musée d’Orsay. Désireux de faire découvrir ces objets aujourd’hui méconnus, l’établissement parisien a donné l’impulsion à une première présentation simultanée de collections de médailles françaises des siècles derniers. À Orsay et au Petit Palais donc, mais également au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale de France, au Musée des arts décoratifs de Bordeaux, aux musées des beaux-arts de Lyon et de Lille, ces petits bronzes ignorés du public peuplent quelques vitrines de leur présence discrète.
Toutes les institutions n’ont cependant pas bénéficié des mêmes moyens en matière de scénographie. Là où Bordeaux a fait appel au couturier Christian Lacroix pour réaliser sa présentation, le Petit Palais a imaginé un mini-parcours qui ne brille ni par sa clarté, ni par sa modernité. Tout semble avoir été mis à la dimension des œuvres : cartels minuscules, peu aérés, textes rédigés dans une police de caractères tassée ; panneaux de salle également miniatures et disposés de façon assez mystérieuse ; rien n’est fait pour rendre cet art de la médaille attractif. Le visiteur devra passer outre cette présentation pour découvrir des objets qui valent la peine d’être vus. En effet, si la collection du Petit Palais a été inventoriée et étudiée, elle n’a pas été exposée depuis les années 1930.
Relief très doux
Ce désamour du XXe siècle pour l’art de la médaille contraste avec la grande popularité dont il jouissait à la fin du siècle précédent. Entre 1870 et 1910, l’objet connaît en effet un grand essor. Outre les médailles officielles et commémoratives que l’État acquiert et distribue pour célébrer tel ou tel événement, les commandes privées que passe une bourgeoisie éclairée donnent un nouvel élan à la discipline. Sous l’influence de quelques précurseurs tel Hubert Ponscarme, la médaille évolue. Sa surface épurée, le disque de métal s’offre une nouvelle modernité, s’invite dans les expositions et côtoie de près le monde des beaux-arts. L’invention du tour à réduire permet une précision nouvelle des détails, et donne également l’occasion à des artistes jusqu’alors peintres ou sculpteurs de s’essayer à la technique. Certains réalisent des œuvres destinées à la sphère privée, tel Renoir qui exécute un portrait de son fils (Tête de Coco) pour décorer sa résidence de Cagnes-sur-Mer. Et tandis que le peintre travaille le métal, les médailleurs s’approprient l’impressionnisme. Hubert Ponscarme et à sa suite Ovide Yencesse, représentants de « l’école du flou », fabriquent ainsi des médailles au relief très doux, comme poli par la mer. D’autres artistes s’inspirent du quotidien et des bouleversements technologiques que connaît le siècle ; ils frappent dans le métal l’allégorie de l’électricité ou la fabrication d’un pneu.
Au centre de la salle, la femme et la danse sont à l’honneur. Au sommet de la belle vitrine conçue par Carabin trône le modèle en cire de La Danse, réalisé par le même artiste. Le matériau éphémère, la rapidité d’exécution de la scène, à peine esquissée, et le cadre rond dans lequel elle s’inscrit donnent à l’ensemble un dynamisme et une vivacité étonnante. Alliance d’un thème sensuel et d’un art métallique, la médaille qui en fut tirée est quant à elle visible au Musée d’Orsay. Elle y est exposée aux côtés de l’œuvre sans conteste la plus populaire du médailleur Oscar Roty : cette figure de Semeuse qui figura durant des années sur nos francs.
jusqu’au 30 juin, Petit Palais, Musée des beaux-arts de la Ville de Paris, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris, tél. 01 53 43 40 00, www.petitpalais.paris.fr, tlj sauf le lundi 10h-18h. Nocturne le jeudi jusqu’à 20h. Catalogue, éd. Skira-Flammarion, 192 p., 39 €.
Commissariat : Cécilie Champy-Vinas, conservatrice du patrimoine Nombre d’œuvres : environ 150
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Ces médailles oubliées
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Abonnez-vous dès 1 €Ovide Yencesse, L'Enfant aux roses, vers 1906, plaquette biface en bronze. © Petit Palais/Roger-Viollet
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°385 du 15 février 2013, avec le titre suivant : Ces médailles oubliées