Ceci n’est pas une exposition classique d’œuvres, mais le déploiement de quinze panneaux passionnants, riches de reproductions de cent vingt publications, affiches, planches de BD, couvertures et articles.
Une frise temporelle didactique et pédagogique, qui court de 1909 à nos jours, et rapporte l’opiniâtreté de la censure, arbitrée par les catholiques (l’abbé Bethléem et son Romans à lire et Romans à proscrire), les communistes, les politiques trop à droite ou à gauche, suivis par les psys (Dolto), les bibliothécaires, les journalistes, des auteurs parfois, et finalement la meute anonyme d’Internet. Une censure aussi diverse que l’offre éditoriale courageuse qui bouge les lignes complexes, les franchit, ou s’en affranchit selon l’époque, toujours avec vivacité. On y constate la peur de la représentation de la violence, estimée contagieuse, l’évolution des mœurs (1968, le sexisme au XXIe siècle) comme des tabous (homoparentalité, sexualité) et la rhétorique bien pensante qui croit protéger l’enfance en omettant ou en aseptisant. Une littérature pour la jeunesse, qui subit des injonctions moralisatrices surannées, écrite et illustrée par des adultes qui s’écharpent passionnément sur le degré ressenti ou supposé de l’innocence. Des citations des éditrices, autrices et censeurs argumentent et animent les choix éditoriaux hexagonaux puis mondiaux avec pertinence ou infantilisme. À voir absolument, avec ou sans ados, pour aiguiser les esprits critiques.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°728 du 1 novembre 2019, avec le titre suivant : Ces livres (pour enfants) qui ont fait polémique
