Le parcours sur la peinture animalière flamande au XVIIe siècle proposé par le joli Musée de Flandre offre d’intéressantes découvertes.
CASSEL (NORD) - Les animaux dans l’art : on craignait le pire. On a le plaisir de découvrir une exposition soignée dans un petit musée de province, enrichie de nombreux prêts, certains venus de loin. La conservatrice de ce musée départemental, Sandrine Vézilier-Dussart, a évité les écueils en découpant le parcours par artiste. Elle en a choisi neuf, actifs dans les Flandres du XVIIe siècle, des plus réputés comme l’atelier de Peter Paul Rubens, Roelandt Savery ou Jan Brueghel aux moins connus tels Adriaen von Utrecht ou Johannes Fyt.
Ces peintres, dont certains ont traversé les Alpes, s’inspirent des paysages italiens. Ils recopient les estampes de lions et rhinocéros diffusés en Europe et trouvent des modèles dans les ménageries qu’entretiennent les seigneurs et souverains depuis le Moyen Âge. La peinture animalière tire sa première raison d’être de la chasse. Il est difficile de se rendre compte aujourd’hui de l’importance que conservait ce rituel dans la société monarchique, servant tout à la fois de substitut à la guerre et de théâtre d’apparat. Les artistes reproduisent aussi les combats d’animaux, qui se tenaient encore à Vincennes à la fin du XVIIe siècle : des taureaux ou des ours affrontés ou livrés aux chiens, plus rarement un éléphant livré à un tigre comme ce fut le cas pour la réception de l’ambassadeur de Perse par Louis XIV. Mais cette peinture prend une tournure plus naturaliste en se servant des illustrations de savants de la Renaissance tels Ulisse Aldrovandi et Conrad Gessner.
Animaux en couple chez Brueghel
Le premier des peintres conviés est Savery, qui dès la fin du XVIe siècle s’est spécialisé dans les paradis terrestres. Il est le pionnier du portrait d’animal, dont l’exposition donne une idée avec ses chevaux, ses poules et ses coqs. En 1594, en signant son premier Paradis terrestre, Jan Brueghel s’éloigne des fantaisies de Savery, en prônant l’harmonie de la nature comme élément du discours chrétien. Les animaux s’y retrouvent en couples, formule qui renvoie aux récits primitifs d’Adam et Ève et du Déluge. En marge de ses paysages, Brueghel place toujours un anachorète ou une anecdote tirée de l’Ancien Testament, ouvrant une tradition fertile pour son entourage et sa descendance. Sa première relation de l’histoire de Noë, en 1613, inaugure ainsi un long lignage de reprises et d’imitations. Des historiens ont discuté de la volonté de certains de ces artistes de positionner les animaux dans leurs compositions en tenant compte des classements des espèces, mais cette hypothèse est loin d’être démontrée. Plus rare et plus précieuse est venue de l’Ambrosiana de Milan une petite étude de souris, de roses et de chenille par Brueghel, d’une grande délicatesse. Ce rapprochement avec la nature morte est nettement accentué par son petit-fils, Jan van Kessel, qui fixe littéralement sur des tableautins en bois ou en cuivre des papillons ou des mouches au-dessus de fleurs et de coquillages. L’exposition rapproche ces collages miniatures des planches des Historiae animalium de Conrad Gessner.
Beaucoup de ces artistes œuvrent en famille et en équipe, chacun apportant sa spécialité aux compositions les plus ambitieuses. L’un peint les cieux et les montagnes, quand un autre s’attache aux animaux et un troisième aux détails floraux. Ami de Jan Brueghel, Frans Snyders a notamment travaillé pour son maître Rubens, qui vantait son talent à décrire les animaux morts. Brillant technicien, il est capable d’aborder la faune sous toutes ses facettes en s’inspirant de la littérature aussi bien antique que contemporaine. Son ballet de lapins autour d’un lion mort, l’un posant fièrement sur son postérieur comme un grand chasseur exhibant son trophée, un autre mordillant l’oreille du défunt fauve, témoigne de l’humour des fabliaux et des chansons de l’époque.
Mais la révélation de l’exposition est l’un de ses élèves, Johannes Fyt, qui l’a accompagné dans ses périples en Italie et aux Provinces-Unies. Lui se concentre sur la faune européenne. Il y a toujours dans ses scènes des chats ou des chiens prêts à se disputer les victuailles. Il met une touche vibrante, un art de la suggestion et un dynamisme de la composition au service d’une narration désormais débarrassée de tout prétexte moral. Fyt est le maître de Pieter Boel, qui prendra le nom de Boulle quand il ira documenter les animaux de la ménagerie royale à Versailles. Sandrine Vézilier-Dussart a raison d’appeler de ses vœux une recherche sur cet artiste dont on recense quelque 200 œuvres. Ses pelages et plumages presque monochromes dans les tons assourdis annoncent un Chardin. Le Loup mort de Fyt, une touche de carmin à peine visible sur la babine, à côté d’un de ses frères, saisi en légère contre-plongée, se mettant en chasse le crépuscule venu, compose ici une découverte précieuse.
Commissaire : Sandrine Vézilier-Dussart, directrice du Musée de Flandre
Nombre d’œuvres : 97
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Cassel, sur le chemin du Paradis
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 22 janvier 2017, Musée de Flandre, 26, Grand-Place, 59670 Cassel, tél . 03 59 73 45 59, www.museedeflandre.lenord.fr, tlj sauf lundi, du mardi au vendredi 10h-12h30, 14h-18h, samedi et dimanche 10h-18h, entrée 6 €. Catalogue, éd. Snoeck, Gand, 32 €
Légende Photo :
Jan Fyt, Nature morte avec un lièvre et gibiers à plumes, 1644, huile sur bois, collection particulière.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°469 du 9 décembre 2016, avec le titre suivant : Cassel, sur le chemin du Paradis