Art moderne

Deux frères

Caillebotte puissance deux

Au Musée Jacquemart-André, à Paris, Gustave retrouve son frère Martial

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 12 avril 2011 - 479 mots

PARIS - Dans la famille Caillebotte, est peu connue l’existence d’un frère cadet, Martial, resté dans l’ombre de l’œuvre impressionniste de son aîné Gustave.

À l’invitation des descendants de la famille, le Musée Jacquemart-André, à Paris, a choisi d’exposer en parallèle les toiles impressionnistes de Gustave Caillebotte (1848-1894) et les photographies de son jeune frère Martial (1853-1910), compositeur, pianiste et photographe amateur à ses heures perdues. Les deux hommes, très proches, ont vécu ensemble jusqu’au mariage de Martial, soudés par les morts successives de leurs proches parents. Toiles et photographies inédites révèlent cette profonde amitié les unissant, leurs passions communes et leur fascination pour les changements qui s’opèrent alors dans Paris et ses alentours au cours des années 1870-1890. Héritiers d’une fortune confortable, les deux hommes choisissent tous deux des carrières artistiques et s’adonnent aux passe-temps habituels de la bonne bourgeoisie de l’époque : jardinage, philatélie, yachting… Entre le Paris haussmannien et les rives du bassin d’Argenteuil, la production des deux frères témoignent d’une certaine douceur de vivre.

Le parcours thématique, simple mais efficace, confronte tableaux et tirages modernes de la fratrie. Les rues de Paris, les portraits de famille et d’amis, les maisons de campagne, les lignes de chemins de fer et les berges de la Seine, tous les aspects de la peinture de Caillebotte sont évoqués au fil des salles. Montrer toute l’originalité de Caillebotte, dont on dit souvent qu’il s’est inspiré de la photographie pour ses cadrages si particuliers, ses vues plongeantes ou ses perspectives de biais : tel est l’objectif de Serge Lemoine, co-commissaire de l’exposition. Dans le catalogue de l’exposition, l’ancien président du Musée d’Orsay l’affirme : « cette nouveauté, cette invention, cette audace ne proviennent pas de la photographie, dans laquelle on ne trouve à l’époque de Gustave Caillebotte nul équivalent ». À contempler la perspective filante d’Un balcon, boulevard Haussmann (vers 1880), où l’effet plongeant du Boulevard vu d’en haut (vers 1880), l’assertion peut sembler autoritaire, tant l’œil de l’artiste semble formellement photographique.

En contrepoint, les clichés de Martial, exécutés une dizaine d’années après les toiles de son frère, apparaissent dans la lignée des recherches de composition du peintre impressionniste. Ils illustrent le génie de l’aîné, mais paraissent, par ce biais, bien moins novateurs qu’au premier abord. Sans doute l’art de Martial est-il à apprécier pour ce qu’il est : une œuvre éclairée et charmante, certes, mais d’amateur. À l’exception toutefois d’une photographie, Gustave Caillebotte et Bergère sur la place du Carrousel (1892). Devant le Musée du Louvre, le peintre, en redingote et haut-de-forme, marche accompagné de sa chienne, dans une atmosphère embrumée. Par cette évocation, Martial offre un magnifique hommage à la peinture de Gustave.

FRÈRES CAILLEBOTTE

Commissariat : Serge Lemoine, professeur à la Sorbonne ; Nicolas Sainte Fare Garnot, conservateur du Musée Jacquemart-André ; Line Ouellet et Jean-Pierre Labiau, Musée national des beaux-arts du Québec

Nombre d’œuvres : env. 250

DANS L’INTIMITÉ DES FRÈRES CAILLEBOTTE, PEINTRE ET PHOTOGRAPHE

Jusqu’au 10 juillet, Musée Jacquemart-André, 158, bd Haussmann, 75008, Paris, tél. 01 45 62 11 59, www.musee-jacquemart-andre.com, tlj 10h-18h, le lundi jusqu’à 21h30. Catalogue, coéd. Skira Flammarion/Culturespaces, 240 p., 39 euros, ISBN 978-2-0812-5706-1.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°345 du 15 avril 2011, avec le titre suivant : Caillebotte puissance deux

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