Chris Burden (né en 1946) est, avec Vito Acconci, l’une des figures les plus marquantes de l’art américain des vingt dernières années. Proche de l’art corporel dans les années 70, son travail s’oriente ensuite vers une critique du système social et politique américain. Bien que ses œuvres n’aient fait jusqu’à présent l’objet que de très peu d’expositions en Europe, beaucoup de jeunes artistes se réclament de sa filiation, celle d’un art qui fut avant tout un art d’attitude. En France, plusieurs lieux méritants, car Monsieur Burden voit grand, s’attacheront dans les mois qui viennent à combler ce retard.
PARIS - En France, jusqu’à présent, seul l’écho des performances-choc que Chris Burden réalisa en Californie dans les années 70 nous était parvenu. On se souvient qu’il resta enfermé 5 jours durant dans une consigne à bagage (Five Day Locker Piece, 1971), ou qu’il rampa mains dans le dos, sur une longueur de 15 mètres de verre brisé (Through the Night Softly, 1973). Et surtout du fameux Shoot de 71, balle qu’il se fit tirer dans le bras gauche – par un ami –, avec un 22 long rifle.
Les années 80 marquent pour Burden le passage de ces actions d’une force inouïe à des installations d’une violence plus contenue, jouant souvent sur la répétition. Après son corps ou sa propre identité, Burden va mettre à l’épreuve le pouvoir, l’État, ou des symboles collectifs d’autorité et de répression. La première de ces installations, The reason for the neutron bomb, accumulait 50 000 allumettes méthodiquement posées sur 50 000 pièces de cinq cents, symbolisant le contingent de tanks comptabilisés par l’armée soviétique en 1979.
Les Américains qui n’en possédaient qu’autour de 10 000 – et les forces de l’OTAN autour de 20 000 –, justifiaient l’existence de la bombe atomique par ce déséquilibre. En 1987, Tous les sous-marins des États-Unis font surface à Los Angeles, où un essaim de 625 modèles réduits vient, une fois encore, saturer l’espace de la Hoffman Borman Gallery.
Dans les mois qui viennent, les occasions de se frotter à ces spectaculaires sculptures/installations ne manqueront pas. À Paris d’abord, puisque le Centre George Pompidou fait venir The Big Wheel (1979) pour l’exposition "Hors-limites," une roue de deux mètres cinquante de diamètre entraînée par une moto.
À la galerie Anne de Villepoix, Burden satellise ses dernières sculptures, les Moonettes, planètes pesant jusqu’à cent kilos, suspendues en l’air. Fabriquées à partir de souches d’arbres, de pierres, de charbon, de rails et trains miniatures, chacune représente un microcosme qui suggère une activité liée à l’exploitation ou à la transformation des matières premières ; et dans un style qui lui est propre : The Cubist, The Twist,…
Quatre expositions d’ici 1996
À Reims, pour l’espace du Frac Champagne-Ardennes, Burden prévoit l’immense maquette d’un paysage vallonné couvert de vignes évoquant la région, au-dessus duquel flotteront plusieurs blocs de pierre, symbolisant pour lui le ciel local, lourd et gris, mais aussi le poids de la tradition. L’exposition fonctionnera davantage comme miroir que comme critique sociale, avec la reconstitution d’une partie de la Tour des Trois Museaux, et sur un mode peut-être plus nostalgique, puisque Burden a passé une partie de son enfance en France. Le carton d’invitation sera d’ailleurs une fausse étiquette de champagne, réalisée à ses initiales.
À Dijon, l’exposition se dédouble entre Le Consortium et L’Usine. Tous les soirs, des 2 CV fourgonnettes escamotables sillonneront la banlieue de Dijon. Ces voitures seront transformées, portes arrières grandes ouvertes, en cabines de projection sous tente, avec chaises et multi-écrans vidéos. Comme dans le film de Wenders Au fil du temps, elles transporteront dans les villages une série de films documentaires d’actualités, par exemple sur les récentes émeutes dans la banlieue de Los Angeles, ou les tremblements de terre à L.A. ou San Fransisco.
Les Mini actualités vidéo de Californie et du monde entendent montrer ces faits dans leur durée, pas sous la forme "saucissonnée" qu’impose le journal télévisé. L’aspect diurne de ce cinéma ambulant s’adresse davantage au public de l’art, puisque les voitures seront parquées dans l’espace de l’Usine et diffuseront les mêmes programmes aux heures ouvrables.
Enfin, le Frac Languedoc-Roussillon produira une exposition de Chris Burden l’été prochain, avant la rétrospective annoncée au M.A.C. de Marseille début 96. D’ici là, nous aurons eu le temps de remplacer les reproductions, largement diffusées dans la presse artistique internationale, par une appréhension directe de ses œuvres qui, peut-être encore plus ici, est indispensable à leur compréhension.
Paris, Galerie Anne de Villepoix, jusqu’au 23 décembre.
"Hors Limites, l’art et la vie 1952-1994", Centre Georges Pompidou, du 9 novembre 1994 au 23 janvier 1995.
Reims, Le Collège, Frac Champagne-Ardennes, du 21 octobre 1994 au 8 janvier 1995.
Dijon, L’Usine/Le Consortium, Centre d’art contemporain, du 29 octobre 1994 au 7 janvier 1995.
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Burden : l’événement
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°7 du 1 octobre 1994, avec le titre suivant : Burden : l’événement