FORT WORTH / ÉTATS-UNIS
C’est avec curiosité que le public américain aborde l’exposition consacrée à Louis Léopold Boilly par le Kimbell Art Museum de Fort Worth, avant la National Gallery de Washington. En effet, le souvenir qu’ont laissé les quelques œuvres du peintre exposées dans le cadre de l’exposition des "Chefs-d’œuvre du Musée de Lille", au Metropolitan Museum de New York en 1992, est encore très présent.
FORT WORTH - Certains admirateurs de Louis Léopold Boilly (1761-1845) se demandaient si le charme de sa peinture allait résister à une présentation exhaustive de son œuvre. Fort heureusement, les organisateurs de l’exposition ont limité leur sélection à quarante-quatre tableaux, sans aucun dessin ni gravure. Toutefois, les nombreux genres abordés par l’artiste sont illustrés, depuis les scènes de la vie quotidienne jusqu’aux portraits intimistes ou collectifs, en passant par les trompe-l’œil spirituels et les caricatures grotesques.
Sous la Révolution, parce qu’il s’était spécialisé, à ses débuts, dans les scènes galantes – à la manière de Fragonard et de Schall –, le peintre Wicar avait dénoncé Boilly pour avoir créé "des œuvres d’une obscénité scandaleuse, qui offensaient la moralité républicaine et qui devaient être brûlées au pied de l’Arbre de la Liberté". Il réussit à sauver sa tête en peignant, en 1794, un Triomphe de Marat (Lille), qui fait presque figure d’exception dans sa carrière : de fait, l’artiste s’est toujours tenu éloigné de la peinture historique, si prisée par ses contemporains.
Plus tard, il multipliera les compositions de genre rassemblant de nombreux personnages, telles que L’Entrée du café turc dans un jardin (Fairfax Collection, Australie), Le Déménagement (Art Institute, Chicago) ou l’un de ses chefs-d’œuvre, Une partie de billard (Ermitage, Saint-Pétersbourg).
Plus de mille portraits
Pour sa Réunion d’artistes dans l’atelier d’Isabey (1798), prêté par le Louvre, Boilly avait exécuté au préalable de nombreux portraits – ceux des peintres Isabey, Prud’hon, Vernet, Girodet, Redouté, du sculpteur Chaudet, des architectes Percier et Fontaine, du musicien Méhul et du comédien Talma –, et cette toile est accompagnée de quatre études à l’huile en provenance du Musée de Lille, qui en possède vingt-sept.
Longtemps, les remarquables réussites de Boilly en tant que portraitiste – plus de mille à son actif ! – ont été éclipsées par la notoriété d’Ingres. Par bonheur, l’exposition actuelle réunit un bel ensemble de portraits en buste, au format de "poche"(en général 0,21 x 0,16 cm), ainsi que des portraits en pied et en plein air, à la manière anglaise. Les scènes d’intérieur, plus tardives et plus sobres – comme Le Peintre dans son atelier (Schwerin) ou La Femme de l’artiste dans son atelier (Clark Art Institute, Williamstown) –, évoquent le style fijnschilder des Hollandais du XVIIe siècle – tels Van Mieris ou Ter Borch – que Boilly s’efforcera d’égaler sa carrière durant. Enfin, son intérêt tardif pour la caricature s’exprime admirablement dans deux des douzaines de Têtes expressives qu’il a peintes. Il s’y inspire tout à la fois de Rowlandson et de Gandolfi, en même temps qu’il annonce Daumier et Gavarni.
La maîtrise de Boilly, en tant que peintre de la "vie moderne", a incité les commissaires de l’exposition à relier ses recherches à celles de Manet et des impressionnistes. Il eut été plus logique de considérer l’artiste par rapport à son époque et ses contemporains, qui ont répandu, comme lui, le goût de la peinture de genre en Europe et jusqu’en Amérique. D’autant que certains, comme l’Allemand Carl Spitzweg, connaissaient et admiraient les œuvres de Boilly, selon toute vraisemblance par le biais de la gravure.
L’ART DE LOUIS LÉOPOLD BOILLY : la vie contemporaine dans la France napoléonienne, Kimbell Art Museum, Fort Worth, jusqu’au 14 janvier, puis National Gallery of Art, Washington, du 4 février au 28 avril.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Boilly à la conquête des États-Unis
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°21 du 1 janvier 1996, avec le titre suivant : Boilly à la conquête des États-Unis