PARIS
Auteur d’un millier de dessins en sept ans de carrière, l’artiste anglais est rattaché à l’Art nouveau. Son extraordinaire facilité lui a permis d’explorer de nombreux styles tout en cultivant sa singularité.
Paris. Figure des années 1890 au Royaume-Uni, Aubrey Beardsley (1872-1898) y a vu sa légende ravivée dans les années 1960, tant auprès d’une jeunesse rebelle que d’éminents historiens de l’art tel Kenneth Clark. En France, où l’artiste a terminé sa courte vie, le souvenir de son génie a été entretenu un temps par les hommes de lettres Robert de Montesquiou, Jacques Émile Blanche, Octave Uzanne ou Edmond Jaloux. Mais passé la Seconde Guerre mondiale, l’aura de cet illustrateur n’a subsisté que chez quelques bibliophiles. La rétrospective, la première qui lui soit consacrée en France, reprend environ 130 des œuvres présentées l’été dernier à l’exposition de la Tate Britain, à Londres. Ce choix, appuyé par un beau catalogue, est riche d’une soixantaine de dessins originaux et rend compte du talent protéiforme de Beardsley.
Né à Brighton en Angleterre, Aubrey Beardsley déclara une tuberculose dans l’enfance. Il pratiquait assidûment le dessin et le piano (deux arts dans lesquels il était autodidacte), consacrant aussi du temps à la lecture, tant en anglais qu’en français. Il donnait des récitals publics avec sa sœur, Mabel, dès 1883 et, un peu plus tard, mettait en scène des pièces avec ses camarades de classe, fort d’une grande érudition dans les domaines de la musique et du théâtre. Peu avant ses 16 ans, il trouva du travail, avant de subir ses premières hémorragies. Il se sut alors condamné à brève échéance.
L’un de ses biographes, Robert Ross, raconta sa première entrevue avec le jeune homme, en février 1892. Celui-ci avait exécuté, l’année précédente, des dessins d’illustration qui avaient été remarqués : « Bien que préparé à rencontrer une personnalité extraordinaire, je ne m’attendais pas à la jeune apparition qui se glissa dans la pièce. Il était timide, nerveux, emprunté, dépourvu de l’assurance intellectuelle et de l’aisance qui le caractériseraient dix-huit mois plus tard, lorsque son succès ne ferait plus de doute. » Cette évolution très rapide a frappé ses contemporains, de même que la célérité avec laquelle il est passé d’un style à l’autre dans ses dessins et illustrations, explorant le préraphaélisme, le japonisme, la Renaissance italienne, le XVIIIe siècle français, la céramique grecque et la fresque romaine qui l’inspirèrent pour son œuvre érotique. À la toute fin de sa vie, il se tourna vers Dieu, ce qui faillit être fatal à cette production : il demanda à son éditeur, Leonard Smithers, de détruire « tous les dessins obscènes », dernière volonté à laquelle celui-ci n’accéda pas.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°557 du 11 décembre 2020, avec le titre suivant : Aubrey Beardsley, comète de génie