NANTES
À Nantes, une grande exposition examine comment le chemin de fer a modifié, à partir du milieu du XIXe siècle, notre conception et notre perception du temps et de l’espace.
Adieu la mythologie ! Un train fumant surgit dans le paysage et, soudain, des faunes et des nymphes apeurés s’enfuient dans la forêt obscure. C’est ce que représente avec humour, vers 1870, la peinture de Frédéric-Auguste Sonntag qui ouvre l’exposition « Le voyage en train » au Musée d’arts de Nantes. Elle résonne comme un coup de sifflet : d’un coup, le monde s’affole, le cœur bat plus vite, on monte dans un train qui nous conduit vers un monde nouveau. Nous sommes du voyage, avançant dans cette exposition comme on voyage en train, observant à travers les paysages représentés comment notre rapport au monde s’est modifié en profondeur avec les locomotives et les rails. Dans les peintures, les photographies, les films, on est témoin d’un choc esthétique puissant : rails, ponts, vapeur, signaux, horloges, gares et télégraphe scandent les paysages. On voit ainsi Vincent Van Gogh peindre ses magnifiques Wagons de chemin de fer à Arles, alors qu’il s’impatiente que Paul Gauguin le rejoigne, et observer le réseau des gares sur la carte comme on contemple une nuit étoilée : « Pourquoi, me dis-je, les points lumineux du firmament nous seraient-ils moins accessibles que les points noirs sur la carte de France. Si nous prenons le train pour aller à Tarascon ou à Rouen, nous prenons la mort pour aller dans une étoile », écrit-il à son frère. Et, lorsque Claude Monet peint un Train dans la campagne vers 1870, sa touche nerveuse, enlevée, exprime aussi la révolution à l’œuvre. Construit sur deux étages, le parcours nous conduit des années 1840 aux années 1930, avec quelques échappées vers des œuvres contemporaines, une peinture de Marc Desgrandchamps représentant un paysage enneigé aperçu à travers la fenêtre d’un train ou une poétique installation de Sarkis, où des signaux lumineux colorés s’allument, s’éteignent et nous hypnotisent. Celle-ci clôt la première partie de l’exposition et ouvre sur la seconde, à l’étage. Pouvons-nous passer ? Oui, non ? Une fois monté l’escalier, le ton de l’exposition change. La lumière se tamise, l’accrochage semble moins aéré, plus rythmé. Là, il ne s’agit plus de paysages et d’espace, mais de temps. Celui de la gare, avec un prototype de l’accumulation frénétique d’horloges créé par Arman en 1985 pour la gare Saint-Lazare, qui nous rappelle que, jusqu’en 1870, chaque ville avait sa propre heure, avant de s’harmoniser sur tout le réseau ferroviaire pour d’évidentes raisons pratiques. Ou encore celui de l’ennui en wagon, avec le regard las du portrait du Colonel Frederick Gustavus Burnaby de James Tissot ou une amusante photographie de Pierre Bonnard et du prince Antoine Bibesco dormant dans un train. Quant à nous, nul risque de nous endormir dans ce voyage imaginaire, qui nous emporte par sa poésie, son rythme enlevé et aussi, parfois, ses clins d’œil – ceux de passagers impatientés comme nous par le retard d’un train chez Honoré Daumier, ou des bovins d’un tableau de Lucien Schmidt, trop serrés dans leur wagon pour rejoindre à bas coût une station balnéaire ou quelque autre lieu touristique, qui nous interpellent par le titre de l’œuvre : Un train de plaisir ! Complet !!!
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Au rythme du train
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°760 du 1 décembre 2022, avec le titre suivant : Au rythme du train