LIBAN
L’Institut du monde arabe donne à voir la vitalité de la création libanaise depuis 1950, malgré les crises à répétition qui ébranlent le pays du Levant.
Paris. En 2018, les collectionneurs Claude et France Lemand faisaient une donation exceptionnelle à l’Institut du monde arabe (IMA) de 1 300 œuvres. D’après Claude Lemand, « plus de 600 œuvres » étaient signées par des artistes libanais. L’exposition, en cette fin d’année, à l’IMA, en présente près d’une centaine, de 1950 à nos jours. Une douzaine d’œuvres d’artistes émergents produites pour l’exposition complète ce panorama de l’art libanais.
Bien que Claude Lemand et les commissaires se défendent d’avoir monté une exposition« focalisée sur l’explosion du 4 août 2020 ou la guerre », ces thématiques sont présentes. Ainsi le metteur en scène d’opéra Zad Moultaka (né en 1967) a-t-il troqué son ordinateur pour la peinture après le 4 août, et réalisé une toile très expressionniste aux tonalités sombres et torturées. Le jeune photographe Nader Bahsoun (né en 1995) montre une série de photographies de Beyrouth éventrée et paralysée par l’explosion, tandis qu’Ayman Baalbaki (né en 1975) compose un paysage de guerre avec des portraits de combattants de la guerre civile (1975-1990) et des bâtiments emblématiques de cette époque.
Mais l’exposition témoigne aussi des filiations entre les générations comme entre les diverses avant-gardes, avec des découvertes, notamment d’artistes modernes peu connues, telle la peintre Nadia Saikali (née en 1936) ou la sculptrice Moazzaz Rawda (1906-1986) dont peu d’œuvres lui ont survécu. Claude Lemand insiste sur la présence des femmes dans l’exposition dont « plusieurs ont été redécouvertes récemment ». Côté transmission, l’influence du cubisme français se ressent dans l’œuvre de Saliba Douaihy (1915-1994), avant d’être remplacée par l’abstraction américaine. La famille Guiragossian montre comment, du grand-père Paul (1926-1993) au petit-fils Marc (né en 1995), se transmet une certaine esthétique picturale. Plus inattendu, le travail de Hussein Madi (né en 1938) réconcilie l’influence du design italien des années 1960 et la tradition artistique arabo-musulmane à base de motifs végétaux « remplissant l’espace de la toile ».
Dans les biographies des artistes surgissent les liens constants entre le Liban, l’Europe et les États-Unis, à l’instar du parcours d’Etel Adnan (née en 1925) dans ces trois contrées, ou de plusieurs peintres venus étudier en France dans les années 1950. Le donateur précise avoir aussi « intégré dans l’exposition des artistes étrangers résidant au Liban, en particulier des Syriens, car le pays a toujours accueilli des réfugiés ». Une exposition ouverte sur le monde et qui apporte une lueur d’espoir à un pays blessé.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°575 du 15 octobre 2021, avec le titre suivant : Au Liban, la lumière surgit au milieu des ruines