Le Musée du quai Branly tente de mettre en évidence les liens artistiques qui unissent les peuples d’Afrique.
PARIS - Trop souvent morcelée en groupes ethniques, « l’unité culturelle de l’Afrique centrale est incontestable ». Partant de cette hypothèse, François Neyt, professeur émérite à l’université catholique de Louvain, a réuni au Musée du quai Branly, à Paris, des œuvres issues de l’immense territoire que constituent le bassin du fleuve Congo et celui de l’Ogooué au Gabon, territoire correspondant au Sud-Cameroun, à la Guinée Équatoriale, au Gabon, au Congo-Brazzaville, au Congo-Kinshasa et à une partie de l’Angola. Sur cette terre aurait émergé « la civilisation bantoue d’Afrique centrale », dont François Neyt propose aujourd’hui de révéler au public les « archétypes culturels » et « sculptures majeures significatives » en tentant une « approche globale et systémique ». Pour ce, il s’est directement inspiré des recherches publiées en 1991 par l’historien et anthropologue belge Jan Vansina. Ce dernier y retraçait les grands mouvements migratoires des peuples de langue bantoue, qui ont progressivement domestiqué les régions forestières de l’Afrique centrale irriguée par les fleuves Congo et Ogooué. Cette théorie, confirmée par des trouvailles archéologiques et enquêtes historiques, comporte encore de nombreuses incertitudes et lacunes. Difficile donc de concevoir une exposition cohérente en s’appuyant à la fois sur les notions de « civilisation unique » et de « peuples divers », d’autant plus que la démonstration est essentiellement stylistique.
Censé résoudre cette gageure, le parcours se décline d’abord en trois grands chapitres consacrés à des thématiques communes à tous les peuples du fleuve Congo : les masques en forme de cœur, les reliquaires et effigies d’ancêtres, puis les représentations féminines. Les œuvres qui y sont confrontées attestent de correspondances formelles (dents limées, scarifications, teinture blanche ou rouge) et fonctionnelles (rites d’initiation, rituels thérapeutiques, funérailles, cultes de défunts) plus ou moins convaincantes. Ainsi du masque-heaume janiforme Ngontang à quatre visages (Fang, Gabon), du masque facial anthropomorphe enveloppé de cornes Kwele (Congo-Brazzaville) et du masque facial Ngbandi du Sud avec dents humaines et cheveux (confluence du fleuve Congo et de la rivière Oubangi), dont la confrontation révèle autant de similitudes que de différences profondes. Pour éviter la contradiction, des sous-chapitres illustrent les productions des différentes ethnies de la « civilisation bantoue » et témoignent des spécificités locales. Sage et soignée, la scénographie magnifie ces objets, déjà très appréciés des collectionneurs et amateurs d’art africain, selon un parti pris résolument esthétisant compensé par différents outils pédagogiques, cartes géographiques, chronologie, diffusion de documentaires sur les rites. Grâce à des prêts d’institutions comme le Musée Dapper (Paris) et le Musée royal de l’Afrique centrale (Tervuren, Belgique), mais aussi de nombreux collectionneurs privés, le Quai Branly a conçu une magnifique vitrine des œuvres majeures de l’Afrique centrale ; une galerie prestigieuse, mais qui se situe bien loin des considérations contemporaines africaines.
jusqu’au 3 octobre, Musée du quai Branly, 206-218, rue de l’Université, ou 27-37, quai Branly, 75007 Paris, tél. 01 56 61 70 00, www.quaibranly.fr, tlj sauf lundi 11h-19h, du jeudi au samedi 11h-21h. Catalogue, éd. Fonds Mercator, 406 p., 60 euros, ISBN 978-9-0615-3914-8
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Au fil du fleuve Congo
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaire : François Neyt, professeur émérite à l’université catholique de Louvain, spécialiste des arts d’Afrique centrale
- Collaboration scientifique : Angèle Martin, chargée des archives scientifiques et de la documentation des collections au Quai Branly
- Scénographie : Gaëlle Seltzer
- Nombre de pièces : 170
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°329 du 9 juillet 2010, avec le titre suivant : Au fil du fleuve Congo