LAUSANNE / SUISSE
Si l’Art brut se caractérise par une radicale liberté de création qui ne prend pas en compte le regard des autres, cette exposition apparaît bien décevante.
Non que les œuvres des vingt-quatre artistes exposés soient dérisoires. Les personnages coloriés au stylo-feutre sur de grandes feuilles de papier de Takuya Tamura ou les très jolis oiseaux réalisés avec des crayons de couleur et des marqueurs solubles à l’eau, également sur papier, par Miruka, sont intéressants et bien faits. Mais ils auraient plus leur place en Europe dans une exposition associée à l’art-thérapie. De fait, ces deux artistes peignent dans des « ateliers protégés ». Il serait regrettable qu’un effet de mode – cette manifestation est la neuvième importante exposition d’Art brut japonais accueillie depuis dix ans en Europe – conduise à mettre dans le même sac des créations qui n’ont pas grand-chose à voir entre elles, si ce n’est qu’elles sont réalisées par des personnes en marge de la société. Quand on parle d’Art brut, il ne faut pas oublier sa caractéristique première : il apparaît hors des conventions culturelles. Bien sûr, toutes les personnes créant dans des ateliers accueillant des personnes en situation de handicap ne se soumettent pas forcément à des codes convenus, certaines parviennent même à préserver une puissante liberté de création. Toshio Okamoto fréquente l’atelier d’arts plastiques de Yamanani Kôbô, dans la préfecture de Shiga. Allongé sur le sol, il projette de l’encre noire sur de grandes feuilles de papier, faisant surgir des formes humaines et des camions où les noirs résonnent en d’incroyables densités. On aurait aimé ne découvrir dans cette exposition que des œuvres densément libres, des œuvres à la hauteur de celles présentées en permanence à la Collection de l’Art brut. Déambulant dans l’exposition, deux jeunes femmes commentent : « Ici, c’est plus tranquille que dans les salles d’exposition permanente », dit la première. « Et tellement moins bouleversant ! », répond l’autre.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°720 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Art Brut ou art thérapie ?