PARIS
Malgré une importante reconnaissance internationale dont témoignent de nombreuses participations à des manifestations d’envergure (Documenta, Biennale du Whitney…), Zoe Leonard reste encore assez peu présentée en France.
Jusqu’au 29 janvier, le Musée d’art moderne de Paris expose la dernière série photographique de cette artiste et activiste américaine née en 1961.
C’est à l’âge de 16 ans que Zoe Leonard s’essaie à la photographie de manière autodidacte, avant de progressivement s’insérer dans la scène artistique new-yorkaise underground des années 1980 et 1990. À cette période, alors que le sida fait des ravages dans son entourage, elle s’engage auprès d’Act Up et cofonde deux collectifs féministes – GANG et fierce pussy. L’année 1992 marque un tournant dans sa carrière, avec la réalisation de plusieurs œuvres emblématiques, où le conceptuel se mêle au militantisme. Pour la Documenta IX, elle décroche des salles de la Neue Galerie de Cassel les tableaux classiques, à l’exception de ceux représentant des femmes en position centrale, et comble les espaces vacants par des gros plans en noir et blanc de vulves. C’est cette même année qu’elle écrit le poème I Want a President, forme d’appel pour plus de justice sociale et de représentation des minorités – de genre, de race et de classe. Débutant par « Je veux une gouine comme présidente. Je veux une personne atteinte du sida comme président et je veux un pédé comme vice-président » et se concluant par « Je veux savoir pourquoi […] un président est toujours un clown : toujours un client et jamais un travailleur du sexe. Toujours un patron et jamais un travailleur, toujours un menteur, toujours un voleur et jamais pris », ce texte aujourd’hui emblématique a été abondamment repris par des militants et militantes ces dernières années, notamment au moment de la campagne et sous le mandat de Donald Trump.
Au Musée d’art moderne, l’exposition « Al río/To the River » aborde un sujet complètement différent, mais tout aussi politique. Fruit de cinq années de travail, cette dernière grande série photographique est un « portrait » du Rio Grande (ou Rio Bravo), fleuve-frontière qui sépare sur 2 000 kilomètres les États-Unis et le Mexique. Rassemblant environ cinq cents tirages, cette série donne à voir la complexité de ce territoire transfrontalier sous forme de récit, à travers des scènes très diverses – un paysage dominé dans le but de contraindre les mouvements de population (fossés creusés, fils barbelés, mur, etc.), mais également des moments de respiration (panoramas désertiques, la surface de l’eau, des fleurs et cactus, etc.). Pour Zoe Leonard, il s’agissait d’observer ce territoire et ce qui s’y produit en s’interrogeant sur « ce que cela signifie de demander à une étendue d’eau d’accomplir une tâche politique ». Si « Al río/To the River » représente un espace précis, les enjeux que soulève l’exposition, qu’ils soient géopolitiques, économiques, écologiques ou sociaux, sont éminemment actuels et universels. Cette série, qui fait écho à Analogue, autre projet d’envergure de l’artiste documentant la gentrification de son quartier, le Lower East Side (New York), témoigne de son engagement politique toujours en phase avec son époque, le fil conducteur de tout son œuvre.
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Zoe Leonard
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°759 du 1 novembre 2022, avec le titre suivant : Zoe Leonard