PARIS
Le Musée Jacquemart André expose le génie du peintre danois à travers une quarantaine d’œuvres, en majorité inédites, qui révèlent l’univers mystérieux et poétique de l’artiste.
Vilhelm Hammershøi était une personnalité modeste, jusqu’à l’effacement, dit-on. Pourtant, il défia à plusieurs reprises sur le plan artistique les attentes et les normes établies, provoquant le scandale. Né en 1864 à Copenhague, il débute sa carrière à vingt et un ans avec un tableau qui fait de lui une figure connue et controversée de l’art danois : le portrait de sa sœur Anna présenté au concours de l’Académie en 1885, une œuvre qui trouble les esprits tant par ses tons sourds et son traitement pictural brumeux que par l’inclinaison inhabituelle du corps. Le fait qu’il ne soit pas primé suscita une vive protestation de la part des jeunes artistes les plus influents. Pour comprendre la réaction que provoqua ce tableau, il faut savoir que le goût dominant de cette époque supposait une reproduction soigneusement exécutée, riche en détails et fidèle à la nature. Or le tableau d’Hammershøi est totalement insensible à ce goût dominant.
L’audace avec laquelle il peint repose sur une longue formation artistique : il reçoit des cours de dessin dès l’âge de 8 ans et suit, à 15 ans, une formation à l’Académie des beaux-arts de Copenhague. Entre 1883 et 1885, il intègre les ateliers libres sous la direction de Peder Kroyer, lui-même formé à Paris dans l’atelier de Léon Bonnat. Sur le plan artistique, il se distingue d’abord par des tableaux de paysages où les horizons bas et les vastes ciels font écho à ceux des peintres hollandais du XVIIe siècle, tels Jacob Van Ruisdael et Philips Koninck. La seconde moitié des années 1880 est une période féconde, il aborde de nouveaux motifs. Il peint ainsi sa première série d’intérieurs – hommage ou défi à Vermeer –, des modèles féminins, puis ses premières vues d’architecture, tout en découvrant diverses possibilités picturales. Les axes orthogonaux, parfois inclinés, deviennent le fondement de ses compositions. Sa vision de coloriste déjà sûre, fondée sur une gamme de gris, se rapproche de la photographie.
Autour de 1891, la carrière du jeune Hammershøi a fait son chemin : il est considéré comme l’un des peintres les plus talentueux de sa génération. Il a déjà ses détracteurs qui trouvent son art outré, et il a été à l’origine d’événements contestataires. Si Hammershøi voyage à travers l’Europe, il poursuit son art sans lien avec les avant-gardes européens. Lors de son séjour à Paris en 1891, sa lettre envoyée au peintre Johan Rohde en dit long sur ses rapports avec l’art contemporain : « Il y a en ce moment une exposition sur les impressionnistes et les symbolistes. La plupart des tableaux ressemblent à des plaisanteries… »
Contre toute apparence, sa radicalité s’inscrit à la hauteur des rénovateurs radicaux de l’art. Et sa peinture retient l’attention du marchand Durand-Ruel et du critique Théodore Duret. En 1900, a lieu à Copenhague sa première exposition personnelle. Il participe à Londres à la grande rétrospective danoise de 1907 et fait l’objet d’une exposition monographique à la galerie londonienne Van Wisseling. Le Musée des Offices à Florence lui commande son autoportrait pour sa galerie de portraits d’artistes. Enfin, comme une boucle se doit d’être bouclée, il est admis comme membre de l’assemblée générale de l’Académie. À sa mort, Hammershøi était non seulement considéré comme un grand artiste, mais comme un phénomène à part dans l’art danois et européen. Puis, progressivement, il disparut des manuels d’histoire de l’art international. Plus de trente ans après l’exposition du Petit Palais, il est de retour ce mois-ci à Paris.
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Vilhelm Hammershøi
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°721 du 1 mars 2019, avec le titre suivant : Vilhelm Hammershøi