Inédit

Vent frais curatorial

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 2013 - 735 mots

Avec « Nouvelles vagues », le Palais de Tokyo et ses galeries partenaires placent le curateur au centre de la réflexion sur l’évolution de la pratique de l’exposition.

PARIS - Un grand souffle d’air frais anime Paris, qui en provenance du Palais de Tokyo trouve la force d’aller secouer des galeries dans le Marais, à Saint-Germain ou à Belleville. Il transporte avec lui de nombreux artistes et curateurs qui ont formulé pas moins de cinquante-trois propositions d’expositions sélectionnées par un jury sur les plus de cinq cents projets reçus à la suite d’un appel international. Vingt et une d’entre elles – dont les organisateurs sont issus de treize pays différents – ont pris place dans les murs du centre d’art, qui engage là une vaste réflexion sur les formes et formats de l’exposition ; une réflexion audacieuse par son échelle également, puisqu’elle innerve la ville entière. En effet, afin de donner plus de corps à ces « Nouvelles vagues », invitation a été lancée aux galeries pour s’associer à la manifestation en accueillant elles aussi un commissaire et un projet. Une trentaine d’entre elles ont répondu présent.
Mettre en avant la figure du curateur et sa pratique, ou plutôt ses pratiques tant cette dénomination finalement floue révèle d’approches, de lectures, de modes de travail contrastés, est bien l’objectif principal de l’opération. L’étude des profils impliqués, quoique relevant d’histoires très diverses, dépeint à grands traits le « jeune » curateur comme une personnalité souvent indépendante, qui ne dépend ni ne s’appuie sur une approche muséale pour sa réflexion ou son modus operandi, et se voit plus comme un compagnon des artistes que comme un simple commissaire.

« Oxygéner le biotope »

Selon Jean de Loisy, président du Palais de Tokyo, la manifestation est née du constat qu’une réécriture de l’histoire de l’art est en marche qui induit de nouvelles manières d’aborder l’exposition et une nécessité de réinventer les formats. « Nous sommes entrés dans une époque post-institutionnelle où l’autorité de l’institution ne correspond pas à l’activité réelle des passeurs d’art. Le Palais de Tokyo n’est pas un lieu qui doit exprimer l’ego d’un directeur, c’est un espace collectif et il convient donc d’oxygéner le biotope en ouvrant de nouvelles pistes et en conviant pour cela des curateurs », assène-t-il.
Auteur d’une exposition intitulée « A History of Inspiration », fondée sur une enquête portant sur les relations entre curiosité et inspiration, le curateur turc Adnan Yildiz voit surtout dans l’aventure une question de méthodologie : « Cette manifestation va plus loin que le simple fait d’organiser différents types d’expositions et donne une vision panoramique des manières dont artistes et curateurs travaillent ensemble aujourd’hui. On voit que de nombreuses directions sont prises et que le processus curatorial est devenu plus expérimental. »
Se lancer dans une analyse des différentes propositions serait vaine aventure, tant elles se révèlent diverses et contrastées, reposant sur des vécus, des expériences et des modes opératoires variés, même si toutes n’apparaissent pas novatrices, loin s’en faut. Se détache néanmoins dans plusieurs projets une intéressante dimension participative ou collective. Le « Concert Hall » de Jean Barberis se présente ainsi comme une architecture musicale un peu folle, protéiforme et évolutive, pensée par des artistes jouant là collectif en agglomérant leurs travaux les uns aux autres.
Le développement protocolaire et/ou évolutif pose également d’intéressantes questions de format et d’inscription de l’exposition dans le temps. Exemple avec « The Floating Admiral », imaginé par Ana Mendoza Aldana et le collectif Cartel de Kunst, livre une écriture de l’exposition en dix chapitres (chacun étant l’œuvre d’un artiste), qui s’enchaîneront pendant la durée de la manifestation. Une forme d’écriture qu’a aussi retenue Léa Bismuth à la galerie Isabelle Gounod. Sa proposition « Bruissements » est introduite par une œuvre écrite d’Arnaud Maïsetti, qui chaque jour ouvrable s’enrichit d’une nouvelle page.
Mais face à l’ampleur des découvertes à faire, le mieux est encore de se laisser porter par les vagues !

NOUVELLES VAGUES

Nombre d’expositions : 53 dans tout Paris dont 21 au Palais de Tokyo et 32 en galerie ( 1 à la Fondation Ricard). Autant de curateurs ou collectifs de curateurs.

NOUVELLES VAGUES, jusqu’au 9 septembre, Palais de Tokyo, 13, av. du Président-Wilson, 75116 Paris, tél. 01 81 97 35 88, www.palaisdetokyo.com, tlj sauf mardi midi-minuit. La date de fin des expositions dans les galeries est variable entre fin juillet et début août. Catalogue, 360 p., 15 €.

Légende photo

Vue de l'exposition « A History of inspiration », dans le cadre de Nouvelles vagues, Palais de Tokyo, Paris - © Photo Aurélien Mole.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°395 du 5 juillet 2013, avec le titre suivant : Vent frais curatorial

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