Uzès rejoue parades and Changes

Sept danseurs marchent, courent, se regardent et enlèvent consciencieusement leurs vêtements, chaussettes et slips compris, puis se rhabillent. Des bandes de papier kraft se transforment en sculpture vivante. Des objets paradent sur scène. Nous sommes en 1965, quelque part entre Soho et la côte californienne. La chorégraphe Anna Halprin, alors âgée de 47 ans, vient de créer avec ses deux filles Daria et Rana Parades and Changes. La première représentation new-yorkaise en 1967 provoque un véritable scandale, et la pièce est interdite pendant vingt-cinq ans aux États-Unis. En cause ? La nudité. Ce qui a de quoi étonner le spectateur actuel, qui la rencontre on ne peut plus fréquemment sur scène. Mais, à l’époque, on n’a encore jamais vu de danseurs se dévêtir entièrement au théâtre. Et la chorégraphe est aussitôt convoquée devant la justice.

Aujourd’hui, Anna Halprin a 92 ans. Elle danse toujours. Sa pièce, elle, est devenue mythique. Un jalon incontournable de l’histoire de la post modern dance. Et si on a la chance de la voir jouer sur les scènes françaises en 2013, comme en juin au festival d’Uzès, c’est grâce à Anne Collod. Depuis 2011, cette ex-membre du quatuor Knust en propose une version réactualisée. Les interprètes des seventies sont remplacés par des danseurs contemporains.

La scénographie est revue au goût du jour. Un replays s’ajoute au titre pour le distinguer de l’original… Mais le principe reste le même. Comme en 1965, le mouvement échappe à la virtuosité pour s’ancrer dans une gestuelle banale. L’improvisation s’intègre à une partition prédéfinie de « tâches » ou « scores » à accomplir. Et les interprètes nous regardent bien droit dans les yeux, sourire aux lèvres, tentant d’établir ce fameux contact entre la scène et la salle voulu par la chorégraphe.

Pour Anna Halprin, Parades and Changes est une « cérémonie de la confiance ». Anne Collod l’a bien compris. On s’y sent d’ailleurs étrangement proches des interprètes, qu’ils soient occupés à mimer les gestes du quotidien ou emportés dans un défilé pop et transformiste totalement jubilatoire. À voir.