Ce qui frappe, c’est l’élégance. Des artistes sur la scène en plein air, du public et de la mise en scène.
Le film s’intitule Jazz on a Summer’s Day et a été tourné en 1958 au festival de Newport, à Rhode Island, dans le nord-est des États-Unis. On peut le considérer comme un documentaire sur cette édition du festival qui a réuni quelques-uns des plus grands musiciens de jazz de tous les temps, de Louis Armstrong à Thelonious Monk, en passant par Gerry Mulligan, Dinah Washington et, bien sûr, la plus chic entre de tous, Anita O’Day, qui s’amuse avec le morceau Tea for Two, gants blancs, robe ajustée noire et chapeau à plumes. Face à elle, il y a aussi des chapeaux, des foulards, des lunettes à strass. Le public – essentiellement blanc –, sous un soleil de plomb, semble l’incarnation du « cool ». C’est la décontraction à l’américaine. Ce film, c’est plus qu’un documentaire, c’est un objet plastique. Son auteur, Bert Stern, était photographe de mode et magnifique portraitiste, d’Audrey Hepburn à Brigitte Bardot, mais il est entré dans l’histoire de la photo en réalisant la dernière séance de Marilyn Monroe, quelques jours à peine avant sa disparition. Bert Stern était un artiste, donc. Et son « documentaire » se présente comme un film quasi sans paroles, à part celles des standards de jazz. La première image, un plan fixe, est déjà une photo, qui s’attarde dans le port, nous laissant le temps de lire le nom d’une barque : Pixie. La caméra quitte le réel et nous plonge dans son reflet. C’est la même scène, tête-bêche. Nous sommes maintenant dans une toile abstraite. Il y en aura d’autres dans le film. Dans le reflet de l’eau semble se dessiner la mélodie jouée par la clarinette. C’est la musique qui prend forme sous nos yeux, qui serpente et nous charme. Puis les musiciens, enfin, apparaissent : Jimmy Giuffre a changé d’instrument, en même temps qu’il est apparu à l’écran. Le voilà au saxophone, avec son trio, qui termine The Train and the River. Les deux éléments du film sont là : le jazz, celui du festival, et l’eau, en ce jour où se déroule la course de voiliers de l’America’s Cup. Bert Stern intégrera des images de la régate à son film sur le jazz. Le plus beau qui soit. Le plus doux, le plus poétique, le plus esthétique, qui laisse la place à la rêverie du spectateur. On voudrait s’y installer. Dans la bizarrerie de Thelonious Monk, le swing de Chico Hamilton, la sensualité de Dinah Washington, le sourire de Louis Arm-strong, la malice d’Anita O’Day… Le film s’achève avec la voix puissante de Mahalia Jackson. C’est la fin, c’est écrit à l’écran : « End of a Summer’s Day ». Il fait nuit. Alors bien sûr, Jazz on a Summer’s Day est le témoignage fabuleux sur une époque disparue. Bien sûr, c’est une occasion unique de voir de près, dans la splendeur de leur art, des musiciens qu’on adule, mais c’est aussi un plaisir inégalé de plonger dans la Beauté.
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Un festival de Jazz, un jour d’été
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°756 du 1 juillet 2022, avec le titre suivant : Un festival de Jazz, un jour d’été