Lauréat du prix Prince Pierre, Saâdane Afif passe son œuvre en revue à Monaco.
MONACO - En septembre 2005, l’ancien bâtiment industriel de la Sucrière, à Lyon, avait été envahi par des vagues d’accords de guitares, instruments pilotés par ordinateur qui délivraient à intervalles codifiés leurs flots sonores. Ce son était loin d’être le fruit du hasard – tout en l’étant d’une certaine manière – puisqu’il résultait d’une transposition musicale des bâtons d’André Cadere. Cette œuvre, l’une des plus percutantes de la Biennale de Lyon 2005, est venue, depuis, rejoindre la collection de Bernard Arnault, avant d’être exposée cet été à Monaco. Power Chords a en effet valu à son auteur, Saâdane Afif, de décrocher le prix international d’art contemporain de la Fondation Prince Pierre de Monaco.
En boîte
Pour l’occasion, l’artiste a conçu dans la principauté une exposition qui permet d’approcher les fondements de son travail et de sa méthode. Il tisse en effet en permanence des liens, lance des passerelles, noue un réseau avec d’autres artistes, des musiciens, pour offrir un terrain d’échange non seulement intellectuel, mais aussi plastique, esthétique, musical et poétique. Ainsi, dans l’une des salles de l’exposition, à côté de la projection d’un documentaire sur son travail, sont réunies des compositions musicales réalisées par de jeunes artistes, parmi lesquels Rainier Lericolais et Marcelline Delbecq. Est également projeté le film retraçant le concert donné au Palais de Tokyo, à Paris, le 7 octobre 2005 lors du vernissage de l’exposition « Saâdane Afif, Lyrics ».
Au-delà de l’œuvre lauréate, l’artiste signe un nouveau coup d’éclat avec une installation tout simplement intitulée 9 Pièces réduites. Il aurait été frustrant pour lui de ne montrer dans la principauté, à un public ne connaissant pas nécessairement son travail, qu’une seule autre œuvre, difficile de ce fait à rattacher à sa galaxie. Dans un geste fondateur, Afif ne propose ni plus ni moins qu’un ensemble de neuf de ses œuvres à l’échelle réduite, neuf pièces qui permettent en quelques mètres d’embrasser plusieurs années d’activité. On se souvient de la Boîte en valise de Marcel Duchamp, version réduite, pliée et transportable des créations qui ont rythmé la carrière de l’inventeur du ready-made. Il serait déplacé de comparer Afif à Duchamp, mais son geste monégasque est certainement de la même trempe. Loin de toute prétention, il relève d’une évidente générosité. Réduire les œuvres permet ici de mieux saisir les articulations d’un travail qui joue déjà lui-même sur les questions d’échelle et de reformulation de la réalité, dans un jeu de mise en abîme de maquettes – ce mot pouvant être aussi entendu dans son acception musicale. Si cette œuvre doit prochainement intégrer les collections du Mudam au Luxembourg, elle marque une étape importante dans le travail de Saâdane Afif, preuve d’une maturité suffisante pour se permettre de prendre le temps de regarder en arrière, vers le passé, afin de mieux écrire l’avenir. En cela, la Fondation Prince Pierre de Monaco, dont la direction artistique est assurée par Jean-Louis Froment, a frappé juste : elle a offert cette année un véritable tremplin pour le futur.
- Présidente : Son Altesse Royale la Princesse de Hanovre - Vice-présidente : Marie-Claude Beaud - Membres : Michel Enrici, Lorenzo Fusi, Vasif Kortun, Jean Nouvel, Philippe Rahm, Myriam Salomon, Jérôme Sans - Directeur artistique : Jean-Louis Froment
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Tremplin pour le futur
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 13 août, salle d’exposition du quai Antoine Ier, Monaco, tél. 377 93 15 85 15, www.fondationprincepieree.mc, tlj sauf lundi 13h-19h, vendredi 16h-22h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°241 du 7 juillet 2006, avec le titre suivant : Tremplin pour le futur