Urbanisme

Tout le monde gagne

Par Joséphine Lebard · Le Journal des Arts

Le 23 mai 2019 - 396 mots

Propriétaires fonciers, municipalités, artistes en résidence, tous les acteurs d’une friche y trouvent leur compte.

« Des projets gagnant-gagnant. » C’est ainsi que Carine Camors, économiste à l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) d’Île-de-France perçoit les friches. Gagnant tout d’abord pour les propriétaires des terrains investis, qu’il s’agisse d’acteurs privés (le promoteur Quantus pour l’Orfèvrerie par exemple) ou publics (la SNCF pour la Cité Fertile ou la friche Lucien). L’occupation légale des lieux évite non seulement les squats, mais aussi la dégradation des lieux. « Une bonne façon de limiter les frais de gardiennage [qui peuvent par exemple coûter entre 13 000 et 15 000 euros par mois à Paris, ndlr], tout en récupérant un petit loyer », précise Carine Camors. Chez SNCF Immobilier, « en trois ans, nous n’avons pas gagné d’argent », explique-t-on. Mais cela ne valorise-t-il pas, à termes, le foncier ? « Sur le site de l’Orfèvrerie, cela peut permettre d’attendre l’effet Jeux olympiques d’été de 2024 », relève l’économiste.

Les collectivités ne sont pas en reste. À Pantin, le maire (PS), Bertrand Kern rappelle l’exemple de la Halle Papin, prise en main par Soukmachines : « Les squats sont invivables pour les maires en termes de dégradation et de sécurité », souligne-t-il. Et de noter que, « au lieu d’un endroit sans vie, ces friches participent à l’attractivité de la vie locale ». Il a d’ailleurs mis en place des conventions incitatives pour « encourager ces structures à construire avec les acteurs locaux » La fête du quartier Quatre-Chemins sera ainsi accueillie par la Cité Fertile. « La politique publique fait le lien avec la politique culturelle, analyse Lauren Andres. Il existe une demande pour une culture plus accessible. Un rapport plus fort s’instaure avec les gens du quartier. » Ces friches permettent, qui plus est, de préfigurer l’avenir d’un secteur. La Cité Fertile prend ainsi place sur un futur écoquartier. Avec les limites que cela peut avoir : « Nous sommes parfois attendus comme élément d’un marketing territorial », admet Jean-Baptiste Roussat du Plateau Urbain.

Le système bénéficie aussi aux artistes. À la Friche Lucien, ils paient des loyers « 50 % moins élevés qu’en centre-ville », chiffre le rouennais Simon Ugolin. À l’Orfèvrerie, une maison d’édition cohabite avec des plasticiens ou une costumière, tandis que sur la friche Ulysse à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), la compagnie de théâtre Gyntiana œuvre à une adaptation de l’Ulysse de Joyce à côté… d’une Gratuiterie, elle-même située au beau milieu d’un jardin entretenu avec les habitants.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°524 du 24 mai 2019, avec le titre suivant : Tout le monde gagne

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